Il est communément admis que ni le développement ni les droits humains ne peuvent être réalisés sans paix durable. Bien entendu, on ne parle pas de la «paix des cimetières»… Il s’agit d’une paix basée sur la justice sociale, le respect de tous les droits humains et les principes démocratiques.
De nos jours, nous assistons à la militarisation des sociétés et à la montée de mouvements politiques réactionnaires, voire fascisants, à travers le monde qui sapent les fondements mêmes de la démocratie et des droits humains. Nous observons également que presque la moitié de l’humanité reste privée de ses besoins essentiels (eau, alimentation, logement, soins de santé…); elle est, à des degrés divers selon les périodes et les lieux, discriminée (accès au travail, à la sécurité sociale, à l’enseignement de qualité…) et exclue des prises de décision.
La militarisation ne fait qu’aggraver cette situation, étant donné que les ressources des pays sont attribuées en priorité aux dépenses en armement, sous prétexte de sécurité. Elle constitue par ailleurs un obstacle à l’organisation sociale et aux contestations, en violation flagrante de nombreux droits humains.
Les cercles vicieux de la violence. A l’origine des conflits armés se trouvent bien souvent des questions liées aux intérêts économiques et géostratégiques des grandes puissances impérialistes et des élites dominantes. Ces conflits génèrent des violations massives des droits humains, des discriminations de toute sorte et le non-respect des principes démocratiques, qui à leur tour exacerbent les conflits sociaux et lancent nos sociétés dans ces cercles vicieux de la violence. Il ne faut pas oublier bien entendu l’aspect confessionnel ou ethnique, en réalité marginal, qui est instrumentalisé par la propagande guerrière.
Les guerres entraînent des violations massives des droits humains. Parmi ces violations, celle du droit à l’autodétermination revêt une importance capitale. En effet, le droit des peuples à l’autodétermination a une place particulière dans le dispositif des normes dans le domaine des droits humains, en ce sens qu’il chapeaute tous ces droits: droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels. C’est dire que, sans la jouissance du droit à l’autodétermination, la réalisation des autres droits est illusoire.
Bien entendu, la création d’un Etat n’est pas la seule option pour que les peuples puissent jouir de leur droit à l’autodétermination. Cependant, l’Etat doit assurer avant tout la participation de toutes ses composantes aux prises de décision, étant donné que l’Etat est à la fois le garant et l’acteur majeur de la mise en œuvre des droits humains.
Cela dit, malgré l’indépendance formelle de certains Etats, la plupart des peuples ne jouissent pas de ce droit, sans parler de ceux qui sont encore sous domination (néo)coloniale. En effet, pour qu’un Etat donné assure sa mission dans ce domaine, il faut qu’il soit capable de jouir pleinement de sa souveraineté et en ait les moyens; qu’il dispose de structures démocratiques participatives et les respecte dans sa pratique. Or, de nos jours, la plupart des Etats ne répondent pas à ces critères pour plusieurs raisons: 1) le manque de volonté politique (le fait que l’appareil étatique soit contrôlé par un gouvernement ne respectant pas la volonté de ses populations ni ses engagements en matière de droits humains, en particulier les droits économiques, sociaux et culturels); 2) le fait que le gouvernement en question soit sous tutelle ou sous embargo; 3) l’intervention des Etats puissants (sur les plans économique, politique et/ou militaire) empêchant l’exercice de l’autodétermination des peuples et la souveraineté de l’Etat qui les représente; 4) la corruption des élites; 5) le manque de moyens.
Les promesses non tenues de l’ordre international. A noter que l’ordre international créé après la Deuxième Guerre mondiale, basé formellement sur le maintien de la paix et la reconnaissance des droits humains, n’a pas tenu ses promesses. Au contraire, ces derniers sont vidés de leur substance par l’imposition d’un ordre économique injuste et inégal qui entraîne la privatisation et la marchandisation de presque tous les domaines de la vie, y compris la défense qui devrait rester pourtant une fonction régalienne des Etats. En effet, l’utilisation de compagnies de mercenariat, appelées sociétés militaires et de sécurité privées, dans des conflits armés a des impacts néfastes sur la jouissance des droits humains, en particulier sur le droit des peuples à l’autodétermination et à la souveraineté sur leurs ressources naturelles, mais aussi sur l’exercice de la démocratie1> A ce sujet, voir entre autres Mercenaires, mercenariat et droits humains, Melik Özden, éd. CETIM, Genève, 2010..
Dans ce contexte, on ne soulignera jamais assez la responsabilité et le rôle des puissances dominantes, mais aussi des institutions financières et commerciales internationales ainsi que des sociétés transnationales, dans la violation du droit à l’autodétermination des peuples. Elle s’illustre, entre autres, par le pillage des ressources naturelles des pays du Sud et par l’accaparement de terres, en violation flagrante du droit à la souveraineté des peuples sur leurs richesses et ressources naturelles, composante essentielle du droit à l’autodétermination.
Pour une sécurité réelle et durable. Faut-il le rappeler, les violations des droits humains d’aujourd’hui sont les causes de conflits, y compris armés, de demain. C’est pourquoi, il est essentiel d’assurer la mise en œuvre effective de tous les droits humains (civils, politiques, économiques, sociaux et culturels), sans discrimination aucune. Les Etats qui investissent dans l’armement sous prétexte de «protéger leur population» font fausse route. La sécurité réelle et durable réside dans l’investissement pour les services publics, la démocratie, les droits humains et dans la solidarité internationale digne de ce nom ainsi que dans l’interdiction de la propagation de toute haine entre les peuples et groupes sociaux et «toute propagande en faveur de la guerre», comme le stipule l’article 20 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Pour cela, il est essentiel que les Etats respectent et mettent en œuvre une coopération internationale de bonne foi et qu’ils s’engagent en solidarité avec les pays qui n’ont pas de ressources suffisantes (naturelles, financières ou techniques), conformément à la Charte de l’ONU (art. 55 et 56) et du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et cultures (art. 2.1)2> Voir aussi l’interview d’Alfred de Zayas, dans Lendemains solidaires n°5..
Notes