Courant politique autrefois marginal, le libertarianisme apparaît aujourd’hui souvent cité comme ayant une influence sur des personnalités politiques de l’extrême-droite.
Du libertarianisme contre-culturel au paléolibératarianisme. Le président argentin Javier Milei, arrivé au pouvoir en 2023, se réclame du paléolibertarianisme. Aux Etats-Unis, Peter Thiel, confondateur avec Elon Musk de Paypal, également. Le libertarianisme désigne un courant politique et philosophique apparu, en tant que tel, aux Etats-Unis dans les années 1960. Les libertariens se caractérisent par leur attachement au droit de propriété.
Dans les années 1960, à la faveur de la lutte contre la Guerre du Viet-Nam, se crée une alliance entre les libertariens et la gauche contre-culturelle. On peut parler de libertariens contre-culturels. Ceux-ci prônent une très grande extension des libertés individuelles et donc des libertés de mœurs.
Cependant, au fur et à mesure de l’histoire du libertarianisme, certaines personnalités, comme Murray Rothbard, glissent vers le conservatisme. On parle alors de paleolibertariens: à savoir une alliance entre un ultra-capitalisme et un conservatisme sur le plan des mœurs. Sur l’histoire des libertariens, on peut lire l’ouvrage de Sébastien Caré, Les libertariens aux Etats-Unis. Sociologie d’un mouvement social (PUR, 2015).
Une partie d’entre eux se consacrent à élaborer les idées qui seront celles des sociétés capitalistes dans le futur car le libertarianisme comporte une dimension utopique liée à son anti-étatisme. Cette dimension d’expérimentation utopique est bien mise en avant dans l’ouvrage de Quinn Slobodian, Le capitalisme de l’apocalypse (Seuil, 2025) autour de la notion de zones. Une de leurs idées aurait été de construire des zones libertariennes dans les eaux internationales pour échapper aux Etats. Ils diffusent leurs idées à travers des réseaux de think thanks comme le réseau Atlas (Observatoire des multinationales, 2024).
Tout le paradoxe des paléolibertariens, c’est qu’ils prétendent arriver au pouvoir au nom des libertés (comme le souligne Stiglitz dans Les routes de la liberté), alors que leur projet ne peut que les conduire à en être les fossoyeurs. Car en réalité, ce qui est fondamental, chez les paléolibertariens, n’est pas la liberté, mais le droit de propriété. Leur nom devrait être «propriétarien» comme l’affirme certains de leurs détracteurs.
La mise à mort des libertés. Les paléolibertariens, à l’instar de Hans-Hermann Hoppe, auteur de Démocratie, le dieu qui a échoué (2020) [Abrégé: DDE], développent des idées, qui sous couvert de libertés, semblent au contraire être des plus inquiétantes.
Hans-Hermann Hoppe s’oppose à l’idée de démocratie: «La démocratie (le règne de la majorité) est incompatible avec la propriété privée (la propriété individuelle et le règne individuel).» (DDE). En effet, les libertariens accordent une très grande valeur à l’individu et se déclarent individualistes. Ils voient d’ailleurs dans l’histoire une opposition entre des tendances individualistes et des tendances collectivistes. Le paléolibertarianisme prétend ainsi libérer les libertés individuelles du carcan de l’Etat, des idées égalitaristes et collectivistes.
Hans-Hermann Hoppe développe également un discours anti-immigration: «Clairement, selon ce scénario, la liberté d’immigration n’existe en rien. Plutôt, de nombreux propriétaires privés indépendants ont la liberté d’admettre ou d’exclure autrui de leur propre propriété selon leurs propres titres de propriété, restreints ou non restreints.» (DDE) Exit donc la liberté de circulation des personnes. De même, pour cet auteur, le droit de la non-discrimination est une limitation à la liberté des employeurs, et donc des propriétaires.
On appréciera aussi les passages sur ceux qui ne sont pas d’accord avec l’ordre libertarien: «Il ne saurait y avoir de tolérance envers les démocrates ou les communistes au sein d’un ordre socialement libertarien» (DDE, 2020). Il ajoute: «l’hédonisme individuel, le parasitisme, le culte de la nature et de l’environnement, l’homosexualité ou le communisme – devront être rejetés physiquement de la société, eux aussi, si l’on veut maintenir un ordre libertarien.» (DDE, 2020).
Javier Miliei, un disciple très scruté. Premier président à se réclamer ouvertement du paléolibertarianisme, le président argentin, Javier Milei, se trouve beaucoup d’amis actuellement: «Du merveilleux Elon Musk à la féroce dame italienne, ma chère amie, Giorgia Meloni; de Bukele au Salvador à Victor Orbán en Hongrie; de Benjamin Netanyahou en Israël à Donald Trump aux Etats-Unis.» (Discours Davos 25/01/25).
Il ne prône pas seulement un anarcho-capitalisme, mais il se fait également un champion du combat «anti-woke»: «le virus mental de l’idéologie woke. C’est la grande épidémie de notre époque qu’il faut soigner, c’est le cancer qu’il faut éliminer.» (Discours Davos 25/01/25).
Peu connu encore, le paléolibertarianisme, nous promet un changement fondamental de société: exit la démocratie, la non-discrimination, la liberté de circulation des personnes… Ce qui doit primer ce sont les droits des propriétaires et donc des plus riches.