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Le libéralisme sans les libertés

«C’était un discours très libéral», a tenté Karin Keller-Sutter, interrogée par Le Temps. KEYSTONE
Politique

Le discours tenu vendredi à Munich par James David Vance, vice-président des Etats-Unis, a choqué l’Europe. Toute l’Europe? Non, un petit pays peuplé d’irréductibles Helvètes a bu ses paroles. Du moins sa présidente, Karin Keller-Sutter (KKS). Elle n’a guère trouvé à redire aux diatribes du bras droit de Donald Trump. «C’était un discours très libéral», a tenté KKS interrogée par Le Temps1>Le Temps, du 15 février.. «Il était dans un certain sens très suisse lorsqu’il dit qu’il faut écouter la population.»

Et tant pis si cet appel au peuple formulé par M. Vance relève d’une rhétorique d’extrême droite bien loin de la souveraineté populaire, que sa défense du respect des élections sonne pour le moins curieusement alors que son mentor a tenté un putsch en 2021. Et que sa défense de la liberté d’expression se double d’une répression toute orwellienne faite d’interdictions de certains livres, d’attaques fielleuses ad hominem, de procès-bâillons et de chasse aux sorcières. Y voir un plaidoyer pour la démocratie directe, comme l’a fait la ministre, traduit un désarroi certain. Ce renoncement aux fondamentaux du libéralisme interroge, en ces temps d’effondrement démocratique. Les Vert·es ont demandé des comptes, le mot démission a été prononcé.

Sans tarder, la garde prétorienne du PLR est montée au front pour défendre son élue. C’est sans doute de bonne guerre. Chacun est dans son rôle. Mais cela montre aussi des errements idéologiques. Admettons que Karin Keller-Sutter ait été prise de court lors de l’interview, le vide en dit tout de même long. C’est aussi et surtout celui de son parti qui, visiblement, tâtonne, se cherche. Incapable de proposer une réponse claire au repli étasunien sur une politique mercantiliste, faite de combines, et qui fait voler le multilatéralisme et plus largement le droit international en éclats. Depuis plusieurs années, le PLR abandonne la défense des libertés au profit des intérêts économiques et politiques – la lutte des places.

Son rapprochement incestueux avec l’UDC en est le signe. Il est loin le temps où le parti blochérien était jugé peu fréquentable. Des membres éminents de cette formation fricotent avec l’Alternative für Deutschland (AfD), un parti qui affiche ouvertement des slogans inspirés du nazisme. Sans que cela semble déranger le parti de la finance et de l’économie.

Dans ce contexte, estimer que les propos de la conseillère fédérale «ont un côté rafraîchissant», comme l’a notamment fait le conseiller national genevois Cyril Aellen, s’inscrit dans cet aveuglement politique qui ne se soucie pas des conséquences tragiques vers lesquelles ce genre de dérives peuvent conduire.

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