Skip to content

Le Courrier L'essentiel, autrement

Je m'abonne

On ne plaisante pas avec la Tunisie, «pays merveilleux»

L’avocate et chroniqueuse tunisienne Sonia Dahmani, incarcérée depuis huit mois pour avoir critiqué le régime de Kaïs Saïed, a vu sa condamnation récemment confirmée en appel. Un verdict qui traduit la répression croissante des libertés publiques dans le pays, selon Rayane Ben Amor.
Droits humains

Un an et demi derrière les barreaux. Le 24 janvier, la sentence en appel contre l’avocate tunisienne Sonia Dahmani, est tombée, réduisant simplement à 18 mois sa peine de deux ans de prison écopée en première instance en octobre denier. Elle était poursuivie pour un trait d’humour exprimé sur un plateau télévisé au sujet des raisons qui pouvaient pousser les Subsahariens à venir en Tunisie, vu la situation économique «de ce pays merveilleux!», comme elle avait osé ironiser. Le président tunisien, Kaïs Saïed, n’aime pas beaucoup l’humour et craint toute atteinte à son image de président providentiel, sortie de nulle part, pour mettre fin à la corruption dans tous les domaines de l’Etat. Le barème des plaisanteries politiques en Tunisie est désormais fixé!

Avocate cathodique, habituée des émissions à grande écoute, Me Dahmani a été arrêtée le 11 mai dernier au siège de l’ordre des avocats, à Tunis, avec des moyens dignes de gangsters américains, par des agents encagoulés. Une journaliste de France 24 s’était même fait bousculer à cette occasion, empêchée de faire son travail d’information. Tel un rouleau compresseur, le nouveau régime tunisien de 2021, tenu paradoxalement par un juriste constitutionnel, n’a que faire du droit, qu’il tord à sa manière. Comme il n’a eu que faire de la grève des avocats et avocates tunisien·nes qui a suivi cette arrestation, en solidarité avec une consœur et en protestation contre les moyens alloués à la justice dans le pays.

Depuis son arrestation, Sonia Dahmani voit ses confrères se succéder au parloir, en plus des membres de sa famille qui lui apportent quelques vivres pour lui permettre de supporter la détetion et les humiliations des gardiens. Sur X et autres plateformes, la solidarité s’exprime souvent sous couvert d’anonymat et les nouvelles de Sonia Dahmani parviennent au public via notamment sa sœur Ramla, très affectée par cette situation.

Le Printemps arabe n’est plus. Le vent de fraîcheur des débuts a faibli, de la Tunisie à l’Egypte en passant par la Libye. L’inflation tunisienne de 6,2% à la fin 2024 ne semble pas baisser et rend les denrées de première nécessité hors de prix. Tant de complaintes dans Réalités [hebdomadaire d’actualités tunisien], où les gens vident leur cœur à défaut de pouvoir s’offrir une thérapie chez le psy et un morceau de viande pour «parfumer» leurs plats.

Le 14 janvier dernier, une centaine de personnes s’étaient réunies dans la capitale pour célébrer le 14e anniversaire de la révolution tunisienne et protester contre la détention de proches. Entretemps, en décembre 2021, le président constitutionnel a réécrit l’histoire pour remplacer cette date, entrée dans les jours fériés et correspondant à la chute de feu Ben Ali, par le 17 décembre, jour où le vendeur ambulant Mohammed Bouazizi s’était immolé par le feu en 2010 pour protester contre la saisie de sa marchandise par les autorités.

Rayane Ben Amor est journaliste suisse.