On sait depuis plus de dix ans que nos égouts emportent des micropolluants avec les eaux ménagères et industrielles mais aussi par l’eau de ruissellement contaminée par le trafic motorisé en particulier, qui finit dans les canalisations. Or les stations d’épuration des eaux usées (STEP) sont encore rarement capables de les capter. Donc, de nombreux micropolluants sont détectés dans les cours d’eau suisses. Les valeurs limites écotoxicologiques sont dépassées dans les petits et moyens cours d’eau principalement par des pesticides, et dans les grands cours d’eau par quelques médicaments. Mais, sachant qu’ils sont plus de 30’000 en circulation dans notre économie suisse et que quelques milliers de nouveau produits arrivent sur le marché chaque année, il est difficile même de fixer des limites de toxicité pour tous sans compter que l’on ignore tout ou presque tout sur l’effet «cocktail» (où l’un des micropolluants peut potentialiser la toxicité d’un autre): c’est dire l’ampleur du problème.
D’où viennent-ils? La plupart de ces substances n’existent pas dans la nature: elles sont artificielles et ont été fabriquées par synthèse chimique, généralement à partir du pétrole, et cela essentiellement depuis la deuxième moitié du XXe siècle. Et il y en a partout: soins du corps, maquillage, vaisselle, lessive, entretien du ménage, bricolage, jardinage… Pour chacune de ces tâches quotidiennes, nous avons sous la main un ou plusieurs produits que nous versons, étalons ou dispersons, sans que l’on soit vraiment averti de leur potentielle toxicité… sans parler des sources industrielle et agricole. Or, les micropolluants sont déjà reconnus pour nuire à la reproduction et au développement des poissons. Les scientifiques craignent qu’ils en viennent un jour à perturber les écosystèmes aquatiques et la santé des êtres humains (en particulier les perturbateurs-endocriniens).
«En Suisse, l’assainissement urbain assure depuis plus de cent ans des conditions sanitaires optimales en milieu urbain et dans nos habitations ainsi que la protection des lacs et cours d’eau», nous dit l’Association suisse des professionnels de la protection des eaux (VSA). Et les plus âgés d’entre nous se rappellent des années soixante où l’on ne pouvait pratiquement plus se baigner dans le Léman à cause de sa contamination, ce qui a poussé les communes à construire des STEP (heureusement avec des contributions cantonales et fédérales), redonnant vie au lac et la possibilité d’en profiter à des fins récréatives, puisque il est admis que au moins 95% des eaux usées sont traitées. En 2016, la mise en œuvre de traitements spécifiques pour les micropolluants dans certaines stations d’épuration (STEP) a été rendue obligatoire en Suisse à la suite de la modification de l’Ordonnance fédérale sur la protection des eaux (OEaux). En effet, des essais pilotes – menés en particulier à Lausanne dès 2012 – ont montré une efficacité de plus de 80% dans l’élimination des micropolluants à la sortie de la STEP. C’est donc essentiel et d’importance pour la biodiversité et la santé humaine, et doit donc être une tâche des pouvoirs publics; et j’ai voté pour que ma commune, Aigle, porte un projet de STEP régionale, capable de traiter les micropolluants.
Mais ces traitements renchérissent notablement le processus de traitement des eaux usées… et qui doit payer? La pratique veut que, au nom du principe du pollueur-payeur, cela se fasse au moyen d’une taxe (surtout dans une ambiance politique où une augmentation d’impôts est taboue!) calculée sur la consommation d’eau des ménages essentiellement. Si je peux admettre que la taxe au sac des ordures ménagères est «acceptable» socialement, puisque comme citoyen, en triant bien, on peut en diminuer le volume, dire que la population doit payer une taxe plus élevée pour financer les nouvelles STEP, comme si elle était responsable de cette pollution aux micropolluants – elle en est plutôt victime d’ailleurs – et que cette taxe serait incitative pour en utiliser moins est assez «tiré par les cheveux». Et une taxe n’est par définition pas progressive, et donc la même pour tous les ménages (ou presque). Ce serait donc plus logique, comme pour l’école, la police ou la justice, entre autres, que cela soit pris sur le budget communal (éventuellement par des points d’impôts affectés)… en attendant de s’attaquer aux vrais pollueurs qui sont ceux qui vendent des produits toxiques et de mieux réglementer leur mise sur le marché!
Santé publique plutôt que liberté de commerce dommageable.
C’est le début 2025, on ose rêver?