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«Contrevérités sur la campagne Masset»

Menacé par le spectre d’un référendum de droite, le potentiel rachat de la campagne Masset («Maison de Zep») par la Ville a mobilisé un collectif de soutien.1 Dans ses rangs, Patrimoine suisse – Genève, dont la coprésidente, Pauline Nerfin, démonte les arguments des opposant·es au projet d’acquisition.
Ville de Genève

Le Conseil municipal a voté dernièrement l’acquisition de la campagne Masset, profitant de cette très rare opportunité pour offrir un parc public à la population, dans un quartier qui a payé le prix fort à la densification (qui continue). Au sein de ce magnifique domaine de 3,4 hectares se dresse une maison de maître dont le noyau date du XVIIe siècle, qui a été agrandie et transformée au XVIIIe siècle. En raison de leur indéniable qualité patrimoniale, maison et terrain sont au bénéfice d’une mesure de classement depuis 1959. A ce sujet, on a pu lire sur les réseaux sociaux ou dans le communiqué de presse des opposant·es et entendre lors de la plénière retransmise sur Léman Bleu un certain nombre d’inepties et de contrevérités, qu’il s’agit ici d’infirmer.

A commencer par le fait qu’il s’agirait d’une «maison qui peut difficilement être adaptée à un usage public» ou encore qu’«il sera malheureusement impossible d’utiliser cette demeure car elle est classée et nous n’aurons jamais l’autorisation d’y faire des activités avec des gamins». – Et pourquoi donc?

Prenons l’exemple d’autres maisons protégées comme la Villa Dutoit au Petit-Saconnex (noyau du XVIIIe siècle, agrandie en 1822) qui reçoit du public lors des nombreuses expositions qu’elle accueille ou une ribambelle d’enfants lors des centres aérés organisés par l’association La Bulle d’Air. Les enfants et même les «gamins» n’ont-ils pas le droit d’évoluer dans de beaux édifices? Tout se passe très bien et l’éducation à la beauté et au patrimoine passe par là! Idem pour la Villa Bernasconi à Lancy (1828), devenue un Centre d’art qui s’adapte parfaitement à un usage public et reçoit même des scolaires! Que dire encore de la Villa Bartholoni (1828-1830) à la Perle du Lac transformée en musée d’histoire des sciences, qui accueille petits et grands curieux? Au-delà d’expositions aux riches contenus, les visiteurs et les visiteuses ne cessent d’admirer cette villa italianisante et profitent d’une vue magnifique sur le Léman. En définitive, il est tout à fait imaginable d’accueillir du public et même des enfants dans la maison classée de la campagne Masset!

Parmi les arguments énoncés: «Le Conseil municipal s’est emballé pour une maison de maître de 16 pièces classée, pour 848 m2 induisant des énormes coûts d’entretien et ne pouvant en l’état pas recevoir du public.»

Dans cette affirmation, il y a une chose de vrai: l’emballement de la majorité du Conseil municipal. On peut aussi le voir comme une belle chose, c’est-à-dire l’emballement pour un projet populaire et une occasion de rêve! Pour le reste, les «énormes coûts d’entretien» ne sont pas chiffrés par les opposant·es. Ils sont probablement bien moindres qu’un autre bâtiment «moderne» de 848 m2; la maison de maître a, en plus de deux siècles d’existence, déjà prouvé sa durabilité! Quant au fait de ne «pas recevoir du public» dans l’état actuel, moyennant quelques aménagements, cela est tout à fait possible.

Un autre argument voudrait que «cette maison de maître ne se prête à aucune activité de la Ville de Genève». – Peut-être aujourd’hui, mais quid de demain?

La ville s’est énormément densifiée ces dernières années et une population plus nombreuse appelle de nouveaux besoins de services, de culture et de nature! Le domaine deviendrait un parc public offrant un nouveau lieu de promenades et de déambulations, un «poumon de verdure» pour un quartier dense. Quant à la maison de maître, un appel à projets devrait amener à choisir entre un grand nombre de propositions!

Est par ailleurs mis en avant un «coût élevé pour entretenir la maison – goût de luxe, on achète quelque chose dont on ne sait pas encore quoi faire».

Nous avons déjà montré que la question des coûts d’entretien ne sera pas plus élevée que pour un bâtiment «moderne». Cette demeure a fait l’objet d’un entretien soigné et régulier. Qu’est-ce que cela veut dire, «goût de luxe»? Qu’une magnifique maison de maître du XVIIIe siècle doit forcément restée en mains privées et ôtée au regard de la population? Et si on ne sait pas encore quoi faire exactement aujourd’hui, plusieurs affectations plausibles ont déjà été avancées et, une fois de plus, les idées ne manqueront pas!

Pauline Nerfin est présidente de l’association Patrimoine suisse – Genève.

(1) Le collectif annonçait hier avoir engrangé plus de 660 signatures en réponse à son appel, ndlr; www.soutiencampagnemasset.ch/