Édito

La chute tant attendue du tyran

La chute tant attendue du tyran
C’est une allégresse incommensurable qui s’est emparée de la majeure partie du peuple syrien et de ses quelque 6,5 millions d’exilé·es dans le monde. KEYSTONE
Syrie

Enfin! C’est d’abord une allégresse incommensurable qui s’empare de la majeure partie du peuple syrien et de ses quelque 6,5 millions d’exilé·es dans le monde. Avec la fuite de Bachar al-Assad dimanche, c’est la chute d’une sanguinaire dictature vieille de plus d’un demi-siècle que les Syrien·nes célèbrent: celle qui avait commencé en 1971 avec le brutal Hafez al-Assad, et qui s’est poursuivie dès l’an 2000 avec son fils. Les incertitudes sur le futur de la Syrie n’entament pas la joie des citoyen·nes après une guerre civile qui dure depuis quatorze ans, durant laquelle le régime a commis de nombreux crimes contre l’humanité. La place de Bachar al-Assad n’est pas en Russie, où il aurait trouvé refuge, mais devant la Cour pénale internationale.

A l’heure du bilan, on ne peut que regretter l’atroce gâchis de ces quatorze années de tueries, qui ont fait plus de 500’000 morts et provoqué tant de souffrances, alors qu’un soutien international déterminé à la société civile syrienne, lors des grandes révoltes pacifiques en 2011, aurait sans doute permis d’éviter la guerre et la destruction du pays. Le drame syrien résonne comme un extraordinaire échec de la communauté internationale, qui a laissé le pays éclater en factions armées et devenir la proie des intérêts géostratégiques de la Russie, de l’Iran, de la Turquie, des pays du Golfe, d’Israël et des Etats-Unis ainsi que de leurs complexes militaro-industriels. On se souvient aussi du renoncement des gouvernements occidentaux à adopter des mesures de rétorsion énergiques après l’utilisation par al-Assad du gaz sarin contre la population syrienne en 2013, qui avait fait 1400 morts. Les sanctions viendront, mais bien trop tard.

Le pays se trouve donc aujourd’hui à un tournant, vertigineux. Le groupe armé islamiste Hayat Tahrir al-Cham (HTC) et les rebelles de l’Armée syrienne libre (ASL), qui ont pris Damas, se veulent rassurants. HTC, dont le dirigeant, Mohammed Al-Joulani, est placé sur la liste des «terroristes» par les Occidentaux,HTC, a multiplié les messages de modération et a donné des garanties aux minorités religieuses et ethniques syriennes. Le mouvement islamiste aurait opéré une transformation idéologique en profondeur, estiment des spécialistes.

Dans le passé, les deux groupes armés se sont cependant illustrés par des politiques autoritaires, conservatrices et répressives. Ouvriront-ils désormais un espace pour la démocratie, les libertés publiques et la reconstruction des mouvements populaires? Rien n’est moins sûr. De surcroît, l’ASL, contrôlée par la Turquie, représente sans nul doute une menace pour les Kurdes de Syrie organisé·es au Rojava, et même au-delà. La guerre est-elle terminée? L’incertitude est de mise, mais c’est assurément une page qui se tourne, et un champ des possibles qui s’ouvre à nouveau.

Opinions Édito Christophe Koessler Syrie

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