Chroniques

Nous l’avons échappé belle!

Le logement en question

Les résultats du scrutin populaire sont tombés dimanche. Les deux textes des milieux immobiliers concernant la sous-location et le congé pour besoin propre ont été refusés. Les résultats portant sur la sous-location sont restés incertains jusqu’en fin de journée, avec in fine un refus à une majorité d’environ 78’000 voix.

Le parlement fédéral ne va sans doute pas en rester là et maintiendra ses attaques face à la protection des locataires contre les loyers abusifs. La majorité veut instaurer un rapport de forces. Tel a été le cas avec la 13e rente AVS, approuvée par la population en mars dernier: la droite sanctionne les assuré·es en imposant un financement le plus antisocial possible, soit une hausse de la TVA. Le Conseil fédéral propose pour le surplus de réduire la participation de la Confédération. Il cherche à causer des déficits qui serviront de prétexte au nouveau train de mesures contre les retraites dès 2026.

Concernant la dernière votation, les milieux immobiliers ont mené campagne avec efficacité et sans aucun scrupule. Ils ont repris tel quel le discours des associations de défense des locataires avec ces slogans: «Contre les abus», «Pour des règles justes», «2 X oui au droit du bail». Les affiches, encarts de presse et les tout-ménages étaient signés «Union pour le logement».

Cette communication dévoyait les actions menées par l’Asloca, en particulier pour réguler les plateformes de type Airbnb et lutter contre les abus des bailleurs en matière de loyer. Les abus n’étaient plus du côté du propriétaire mais du locataire qui sous-loue.

Concernant le congé donné pour le besoin personnel du bailleur, le discours était plus ordinaire. Les milieux immobiliers ont voulu opposer la figure fantasmée du petit propriétaire «ayant travaillé dur et économisé toute sa vie pour acheter un logement et mettre sa famille à l’abri» à celle du locataire, sorte de cigale de la fable de La Fontaine.

Le même discours va resservir prochainement pour supprimer l’impôt sur la valeur locative qui sera débattu lors de la prochaine session des Chambres fédérales. Après plusieurs refus en votations, les milieux immobiliers reviennent à la charge avec un cadeau aux propriétaires qui pourrait représenter plus de 400 millions de francs au détriment du budget de la Confédération et 1,2 milliard en moins pour les cantons et les communes.

L’hégémonie continue de la droite au parlement fédéral depuis la création de la Confédération en 1848 lui permet d’imposer sa stratégie en choisissant le texte et le tempo. Les milieux immobiliers ont d’abord voté le démantèlement de la protection contre les congés abusifs avec des textes profilés pour le débat. Celui sur la sous-location contenait une liste de motifs de refus qui représentaient autant de possibilités de cristalliser le débat sur autre chose que l’essentiel: la suppression du droit opposable à sous-louer. La liste n’était en effet pas exhaustive et le bailleur aurait été libre de refuser une sous-location pour tout motif de son choix. Ces deux propositions menaçant des milliers de locataires étaient présentées comme de simples codifications de décisions du Tribunal fédéral.

Viennent maintenant deux projets visant à supprimer la contestation du loyer initial et à considérer comme non-abusifs les loyers du marché. Là encore le ton est donné, Hans Egloff [ancien conseiller national UDC et ancien président de l’association des propriétaires fonciers], également auteur de ces textes, a cherché à inverser les responsabilités: la bonne foi dans les rapports contractuels est invoquée pour empêcher le locataire de s’opposer au loyer abusif. Le résultat du scrutin populaire du 24 novembre 2024 aura sans doute pour effet de ralentir le traitement de ces deux objets.

Reste le problème de fond, soit la captation privée de la rente foncière par des sociétés cotés en bourse et qui dictent l’ampleur de la spéculation. Renforcer le droit du bail pose à l’évidence pour l’Asloca la nécessité d’avancer au plus vite avec son initiative pour empêcher les loyers abusifs. Celle-ci devra être complétée par des initiatives populaires cantonales ou municipales, afin que les collectivités locales soient contraintes de mener une politique d’acquisition de terrains et d’immeubles dans le but de soustraire un maximum de logements à la spéculation.

Christian Dandrès est conseiller national et juriste à l’Asloca. Il s’exprime ici à titre personnel.

Opinions Chroniques Christian Dandrès Le logement en question

Chronique liée

Le logement en question

mercredi 20 octobre 2021

Connexion