Trump vu d’Afrique
Les Etats-Unis, aux côtés de pays européens comme la France, interviennent régulièrement pour condamner violations des droits humains et autres coups d’Etat sur le continent africain. Il n’est pas certain cependant que Donald Trump prolonge l’exercice. A l’instar de ses homologues chinois et russe, il devrait se montrer beaucoup plus conciliant avec les régimes dictatoriaux et les présidents à vie, nombreux sur le continent.
Malgré le désintérêt manifeste du futur ex-nouveau président américain pour les pays africains, qu’il qualifia élégamment de «shithole countries» (pays de merde), leurs présidents se sont empressés, comme le veut l’usage, de le féliciter pour sa réélection. Certains pays sont toutefois plus inquiets que d’autres face au retour de Trump à la Maison-Blanche.
C’est le cas notamment de l’Afrique du Sud, dont le président Cyril Ramaphosa est mal vu de certains ténors du Parti républicain pour avoir déposé une plainte contre l’Etat d’Israël auprès de la Cour internationale de justice. Des tensions entre les deux pays étaient déjà apparues lors du premier mandat de Donald Trump, lequel avait dénoncé ce qu’il appelle la «confiscation des terres aux fermiers blancs», surfant sur les théories de «génocide des Blancs» également partagées par un certain Elon Musk.
La crainte de voir Trump s’opposer à ce que l’Afrique dispose de deux sièges permanents au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies – ce que l’administration Biden a soutenu dans le cadre des discussions portant sur une hypothétique réforme du Conseil – est également partagée sur le continent africain. Tout comme le retrait potentiel des Etats-Unis des Accords de Paris sur le climat et l’hostilité de la nouvelle administration au principe de réparations climatiques demandé par les pays dits du Sud – un des principaux enjeux de la COP29 qui se tient actuellement à Bakou.
Les rodomontades de Donald Trump durant sa campagne, affirmant qu’il mettrait rapidement fin aux conflits dans le monde, suscite en revanche quelque espoir. L’entourage du président congolais Félix Tshisekedi espère ainsi que les Etats-Unis vont davantage s’impliquer pour trouver une solution à la guerre qui ravage l’est de la RDC, alors que les troupes du M23, soutenues par le Rwanda, poursuivent leur offensive dans le Nord Kivu. «Le président Trump a été clair là-dessus, il va mettre fin aux guerres qui existent», a déclaré Tina Salama, porte-parole du président Tshisekedi. Des espoirs qui risquent cependant d’être déçus; tant il est peu probable que les Etats-Unis renoncent à leur soutien au Rwanda et à son président Paul Kagame. Peu de chance également que Donald Trump se préoccupe davantage que son prédécesseur de la guerre civile au Soudan.
Mais l’ex-nouveau président américain est tellement imprévisible qu’il ne faut jurer de rien. Particulièrement dans un contexte où la Chine et la Russie multiplient les initiatives pour consolider leur présence sur le continent africain. Le week-end dernier, Vladimir Poutine a promis un «soutien total» de Moscou aux pays africains lors d’une conférence ministérielle Russie-Afrique qui s’est tenue à Sotchi, sur les bords de la mer Noire. Tandis que début septembre, le Forum sur la coopération sino-africaine de Beijing faisait le plein de dirigeants. Pour contrer leur influence, Donald Trump sera-t-il plus offensif à l’égard du continent, voire s’y rendra-t-il en visite officielle, ce qu’il n’a jamais fait durant son premier mandat de 2016 à 2020? Affaire à suivre.
Catherine Morand est journaliste.