Tout le pouvoir aux caisses maladie?
«La réforme la plus importante dans le domaine de la santé depuis l’introduction de la loi sur l’assurance-maladie en 19961>NZZ, 3 novembre 2024.». Comme le souligne Remo Sonderegger, CEO de Helsana, une des deux principales caisses maladie du pays, la votation du 24 novembre sur le financement uniforme des prestations (dit Efas) revêt une importance cruciale.
M. Sonderegger, qui touche un revenu de 740’865 francs par an, ne cache pas son enthousiasme. On le comprend. Avec Efas, les caisses maladie se verraient confier le contrôle financier de l’ensemble des dépenses de santé couvertes par l’assurance obligatoire: les interventions stationnaires en hôpital, le domaine ambulatoire, les EMS et les soins à domicile. Au total, près de 55 milliards de francs par an.
Pour faire passer la pilule, les partisan·es de cette révision – Conseil fédéral, élu·es de droite et caisses maladie en tête – font miroiter un allègement des primes, qui pèsent toujours plus lourdement sur les foyers modestes. L’argument ne tient pas la route: comme le souligne une étude du bureau de conseil Infras, Efas n’allègera pas la facture des ménages. Selon les opposant·es à la révision, la douloureuse pourrait même prendre l’ascenseur.
Le but de cette modification de loi est ailleurs. Il est mentionné dans l’initiative fédérale qui en est à l’origine, déposée en 2009 par l’ex-conseillère nationale Ruth Humbel (Centre). Grâce au financement uniforme, les soins hospitaliers pourront enfin être englobés dans le modèle dit «de soins intégrés», écrit Mme Humbel – qui est aussi membre du conseil d’administration de Concordia et a siégé, entre 2010 et 2023, dans celui du réseau de cliniques privées Zurzach Care.
En leur confiant les clés d’un financement unifié du système de santé, Efas permettrait en effet aux caisses maladie d’orienter une part croissante des assuré·es – appâté·es par des baisses de primes – vers des réseaux de soins soumis à leur contrôle. La majorité bourgeoise au Conseil des Etats vient d’ailleurs de faire un pas décisif dans ce sens en décrétant que les assureurs pourront désormais choisir librement les hôpitaux et les cabinets médicaux dont ils règleront les factures.
Ce renforcement du pouvoir des caisses maladie aurait une double conséquence. D’abord, une part croissante des assuré·es, poussé·es vers des polices d’assurance low cost, subirait de fait un rationnement des soins. Ensuite, les assureurs pourraient renforcer la pression financière sur les prestataires, ce qui induirait une dégradation des conditions de travail des soignant·es, déjà au bord de l’épuisement – et donc de la qualité des soins.
Efas entraînerait ainsi un grave affaiblissement du système de santé public – dont profiteraient les acteurs privés en quête de profits. Un non le 24 novembre pourrait enrayer cette spirale infernale.
Notes