Édito

Un trauma, des traumas

Un trauma, des traumas
Tout est mal qui finit mal dans cette affaire, avec un signal une nouvelle fois négatif donné à toutes les femmes qui voudraient dénoncer maltraitance, harcèlement ou viol. KEYSTONE PHOTO PRETEXTE
Genève

C’est l’une de ces histoires qu’on espérait révolues. Alors qu’elle voulait déposer plainte pour harcèlement contre son ex-compagnon, une femme a passé la nuit de mercredi à jeudi derrière les barreaux d’une cellule genevoise. Son tort? Séjour illégal sur territoire helvétique. La quinquagénaire d’origine colombienne vit et travaille au bout du lac depuis mai 2022, mais sans papiers en règle.

Venue dénoncer un trauma, elle en subit donc un autre. «On m’a traitée comme si j’avais tué quelqu’un», a-t-elle confié à 20Minutes, qui a rapporté l’épisode. Heureusement, des collectifs féministes ont fait le pied de grue devant le poste de Cornavin qui la détenait, accélérant sans doute sa libération. A ce stade, on ne sait pas si la police a enregistré sa plainte. On sait par contre que si Maria* ne subira pas les foudres de la justice, c’est uniquement parce qu’elle s’est engagée à quitter le pays d’ici la fin de l’année.

Tout est mal qui finit mal dans cette affaire, avec un signal une nouvelle fois négatif donné à toutes les femmes qui voudraient dénoncer maltraitance, harcèlement ou viol. Car au-delà de la question du permis de séjour, on est face à l’habituel déni de parole, ici souligné par une hiérarchisation honteuse. Oui Madame, on écoutera vos soucis, mais laissez-nous d’abord procéder à quelques vérifications.

Le cas de Maria n’est hélas pas isolé, explique au Courrier Me Laïla Batou, qui assurera la défense des intérêts de la Colombienne. Au niveau européen, il existe des recommandations pour mettre en place un protocole de signalement sécurisé pour les victimes migrantes de violences sexuelles, mais pas à Genève. Un groupe de travail multipartite se penche néanmoins sur la vaste question de l’accès à la justice, une évolution positive. Ses recommandations seront-elles suivies par les politiques?

Les forces de l’ordre savent faire preuve de bon sens en ne chassant pas les permis de séjour aux abords des soupes populaires ou entre les rayonnages des bibliothèques. Une forme de sanctuarisation dont on rêverait qu’elle s’applique aux postes de police également.

* Prénom d’emprunt.

Opinions Édito Samuel Schellenberg Genève

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