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La musique traverse les cultures

Que nous jodlions, que nous chantions des ballades rock ou que nous fassions des improvisations jazz extatiques, tout cela dit quelque chose de notre origine. Les chansons peuvent véhiculer un statut, car les groupes d’une société ne chantent pas tous les mêmes airs.
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Depuis des décennies, les scientifiques tentent de comprendre pourquoi nous, les humains, sommes si différents les uns des autres. Pour résoudre l’énigme, il faut comparer des aspects de la culture dont le développement va de pair avec celui de l’humain. Un groupe de recherche vient de réussir à apporter la preuve que la musique suivait sa propre voie dans cette évolution. 1>Passmore et al.: «Global musical diversity is largely independent of linguistic and genetic histories». Nature Communications (2024).

L’équipe internationale et multidisciplinaire, avec la participation de l’Université de Zurich, s’est basée sur trois jeux de données contenant des informations livrées par plus de 120 sociétés: près de 1000 chansons, près de 1300 profils génétiques et pas moins de 120 langues. La comparaison de ces données permet de tirer des conclusions sur la façon dont ces trois aspects s’inscrivent dans l’histoire du développement de l’humanité. Le résultat est surprenant: les traditions musicales émergent indépendamment de l’histoire des populations et des régions linguistiques.

Il n’existe encore aucune explication définitive sur les raisons de ce phénomène. Chiara Barbieri, biologiste de l’évolution, suppose que la manière dont nous utilisons les chansons joue un rôle: «Les chansons, et la musique en général, sont transmises au sein des sociétés. Mais, contrairement aux gènes, ce transfert n’est pas héréditaire. Il est le fruit du hasard et de facteurs sociaux.»

Les chansons peuvent par exemple véhiculer un statut et leur emploi diffère donc selon le groupe social dans lequel elles circulent. De plus, les contacts avec d’autres cultures, et donc l’échange de variations musicales, sont fréquents. La langue est certes en partie marquée socialement, mais pas exactement par les mêmes facteurs que la musique.

L’étude a permis pour la première fois de dessiner une image globale de l’évolution de la musique. Jusqu’à présent, les travaux se concentraient des régions spécifiques. D’où l’impossibilité de tirer des conclusions générales. Avec leur travail, les scientifiques ont apporté une nouvelle pièce au puzzle pour expliquer la diversité humaine et les processus complexes qu’elle sous-tend.

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* Paru dans Horizons no 142, sept. 2024, www.revue-horizons.ch

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