Qui arrêtera Israël et le Rwanda?
Rien ne semble pouvoir arrêter Israël dans sa volonté d’«éradiquer» le Hezbollah au Liban et le Hamas à Gaza, comme le premier ministre Netanyahou prétend le faire – au prix de milliers de morts, de personnes déplacées, qui paient le prix fort de cette folie meurtrière. Ivre de sa toute-puissance militaire, soutenu à bout de bras par les Etats-Unis, l’Etat hébreu défie les pays occidentaux, mais aussi les Nations Unies, dont la FINUL [force de maintien de la paix] dans le Sud Liban se voit attaquée, sommée de quitter les lieux. Les pays occidentaux, Suisse comprise, appellent à un cessez-le-feu immédiat, mais sans condamner explicitement Israël. A quelques milliers de kilomètres de là, le Rwanda poursuit son offensive aux côtés du M23, un groupe armé qui terrorise et sème la mort et la désolation dans la région. Dans un premier temps, Kigali avait nié son appui au M23, mais plusieurs rapports du Groupe d’experts des Nations Unies, accablants, ont définitivement levé le voile: l’armée rwandaise apporte non seulement un appui massif à ce «Mouvement du 23 mars», mais ses hommes sont également présents sur le terrain, faisant subir aux habitants et habitantes d’innommables sévices.
Quel est le lien et le point commun entre ces deux régions, hormis les atrocités commises à l’encontre des populations civiles? L’impuissance de la «communauté internationale» à y mettre un terme est l’un d’eux. Les demandes pour un cessez-le-feu adressées à Israël pleuvent de partout, assorties de mobilisations monstres de part et d’autre la planète, rien n’y fait, pas plus que les mandats d’arrêt requis par la Cour pénale internationale contre Benjamin Netanyahou et les dirigeants du Hamas pour crimes de guerre. Tel-Aviv continue à pilonner des hommes, des femmes et des enfants en toute impunité, à Gaza comme dans le sud du Liban. Quant au Rwanda, malgré la preuve irréfutable qu’il joue un rôle déterminant dans la persistance des horreurs perpétrées dans les provinces du Kivu, son président Paul Kagame continue de figurer parmi les «chouchous» de la communauté internationale, qui admire sa capacité à avoir su rebondir après le génocide d’un million de Tutsis il y a tout juste trente ans.
C’est que les pays européens et nord-américains, entre autres, continuent à être rongés par un fort sentiment de culpabilité de n’avoir pas su, pu ou voulu faire cesser le drame absolu du massacre de plus d’un million de Tutsis en avril 1994, au vu et au su du monde entier. Aujourd’hui, on sait que cette horreur aurait pu être stoppée, mais qu’elle ne le fut point par manque de volonté politique. Est-ce ce qui explique la mansuétude, le laisser-faire dont bénéficie le régime de Paul Kagame, lequel ne manque d’ailleurs pas de surfer sur ce sentiment? Le 7 avril dernier, lors des cérémonies de commémoration marquant les 30 ans du génocide tutsi, le président avait à nouveau reproché à la communauté internationale de les avoir «laissé tomber» pendant cette période.
Peut-on oser un rapprochement avec le sentiment de culpabilité face à la Shoah qui continue à étreindre la communauté internationale? Laquelle lors de la Seconde Guerre Mondiale n’a pas su, pu, voulu mettre fin à l’extermination de millions de juifs menée par le régime nazi d’Adolf Hitler? La guerre menée par Israël dans la bande de Gaza, et désormais au Liban, n’a en tout cas pas entamé l’alignement sur Israël des pays occidentaux, parmi lesquels l’Allemagne, qui freine toute critique du régime Netanyahu et toute action de solidarité avec les Palestiniens. C’est que le sentiment de culpabilité de l’Allemagne pour les horreurs de la Shoah pousse depuis des décennies Berlin à se ranger derrière l’Etat hébreu. Un positionnement que l’on retrouve peu ou prou chez la plupart des pays européens. Sans compter les Etats-Unis qui, eux, continuent à alimenter Israël en armements, malgré les milliers de morts à Gaza et désormais au Liban.
* Journaliste