Vaud

En quête d’action et de sens

Etudiante en psychologie à l’Unil, Rym raconte sa participation au mouvement d’occupation de Géopolis et précise les motivations de son engagement.
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En quête d’action et de sens
Rym ressent un lien fort et intime avec la Palestine et tous les peuples opprimés. OLIVIER VOGELSANG
Portrait

A 23 ans, Rym vient d’achever un Bachelor en psychologie à l’Unil. Au printemps dernier, elle a participé au mouvement d’occupation du bâtiment Géopolis, en soutien à la cause palestinienne. Mais une fois cette étape académique terminée, elle a ressenti un vide. La fin de l’occupation physique, une action qui lui donnait un sens face à «l’inertie de l’Occident», l’a plongée dans une période d’introspection profonde. «Pendant l’occupation, j’avais le sentiment d’agir, de faire au moins le minimum, confie-t-elle. Ce mouvement a réuni des personnes très différentes partageant la même colère face à l’injustice et au silence international. Etre entourée d’individus qui refusent l’inaction face à un génocide m’a redonné de l’espoir.» Toutefois, le retour à la «normalité» a été difficile à vivre pendant l’été «surtout que la situation à Gaza a empiré».

Sentiment d’impuissance

Mais avec la rentrée universitaire et la reprise des actions collectives des étudiant·es propalestinien·nes, Rym a retrouvé sa motivation. «Ce temps de recul m’a permis de réfléchir à ce qui fait vraiment sens pour moi, et à la manière dont je serai le plus utile», affirme-t-elle avec détermination.

Son engagement pour la Palestine est profond. Liée personnellement à Gaza, elle vit au quotidien l’angoisse de perdre des proches: «Tous les jours, on se demande si on va nous annoncer leur mort… Cet été, j’ai d’ailleurs appris le décès d’une amie de ma mère, laissant ses enfants derrière elle», explique-t-elle, la voix empreinte de tristesse. «J’ai l’impression de perdre des proches tous les jours à la vue des cadavres en naviguant sur les réseaux sociaux. Si ce n’est pas nous à la place des Palestinien·nes aujourd’hui, c’est uniquement dû au hasard…» Ce sentiment d’impuissance la consume. Elle ne comprend pas comment «un an de génocide n’a toujours pas déclenché une indignation générale», d’autant plus que la guerre s’étend désormais à tout le Liban.

Ces événements la confrontent également à des dilemmes complexes, comme celui de devoir «se concentrer sur ses études» alors que des vies sont en jeu et que l’urgence d’agir reste pressante. Elle est convaincue que la lutte contre les systèmes d’oppression s’inscrira de façon indélébile dans sa pratique, une fois devenue psychologue. Elle ne pourra pas se limiter à «la simple réparation de vies individuelles blessées par un système injuste». Elle devra y intégrer une lecture sociopolitique.

Un projet de documentaire

Rym sait que son engagement n’a pas été vain. «Nous avons incité l’université de Lausanne à réagir et ne comptons pas nous arrêter là, car les réponses sont encore insuffisantes.» Par ailleurs, elle nous confie qu’un projet de documentaire est en cours, tout en restant discrète sur les détails. «Mais tous les militants et militantes sont motivés, les projets foisonnent», assure-t-elle.

«Pendant l’occupation, j’avais le sentiment d’agir, de faire au moins le minimum» Rym

Elle est consciente des limites du militantisme. Si l’occupation de Géopolis a permis d’ouvrir le débat sur la Palestine en Suisse et d’inspirer d’autres étudiant·es à occuper leurs universités, elle reconnaît que cela ne change pas la réalité quotidienne des Gazaoui·es: «Quand j’ouvre un journal ou regarde les réseaux sociaux, je vois bien que rien n’a vraiment changé en Palestine. Mais là où je vis, nous avons tout de même réussi à obtenir des avancées, notamment à l’université, et ce n’est pas rien.»

Responsable des relations presse pendant l’occupation du bâtiment, elle a été déçue par la couverture médiatique. «Peu importe ce que nous disions, certain·es journalistes avaient déjà une idée arrêtée. Très peu se sont vraiment intéressé·es au fond de notre message. Plus les jours passaient, plus les articles étaient vides de sens, détournant l’attention vers des questions superficielles ou des polémiques comme tout ce ‘faux débat’ sur l’antisémitisme.»

«Descendante d’un peuple traumatisé»

L’étudiante se questionne désormais sur la suite de son engagement, au-delà des murs de l’université. En tant que femme, elle souhaite trouver comment ses compétences et son identité peuvent être des leviers d’action. «La mobilisation m’a montré que chaque individu apporte quelque chose à la collectivité. Je cherche maintenant à comprendre comment contribuer à la société avec mes compétences, tout en restant fidèle à mon identité.»

Rym incarne cette nouvelle génération de militant·es qui refusent l’inaction face aux injustices. Héritière de ses ancêtres algérien·nes qui ont combattu la colonisation, elle ressent un lien fort et intime avec la Palestine et tous les peuples opprimés. «On ne peut pas porter tous les combats. Je suis sensible à d’autres causes, mais en tant que descendante d’un peuple traumatisé par la colonisation, ce combat-là me tient davantage à cœur.»

De nature réservée, elle aura été propulsée sur le devant de la scène. «Sauf que je n’aime pas me mettre en avant, ni être au centre de l’attention, et cette expérience m’a confortée dans mon choix de rester en retrait», explique-t-elle bien qu’elle ait accepté notre entrevue «pour la cause». «Nous sommes les adultes de demain, et je refuse de participer à un silence collectif. Nous avons la responsabilité de ne pas nous taire.»

Rym ne cache toutefois pas sa déception vis-à-vis des institutions universitaires qu’elle portait en haute estime et qu’elle accuse de manquer de cohérence entre les valeurs qu’elles prônent et les actions réelles. «Pendant toute notre scolarité, on nous enseigne l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, du colonialisme et on nous apprend ce qu’est la citoyenneté, pour conserver une mémoire collective et pour nous éduquer à prendre part à la vie politique. A l’université, on nous apprend à développer un esprit critique, mais lorsqu’on applique ces apprentissages, on nous criminalise…» C’est bien cette dissonance qui dérange peut-être le plus la future psychologue.

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