Quelles priorités après la victoire sur LPP21?
«Je souhaite la gagner, cette votation», dixit Elisabeth Baume-Schneider (Le Temps, 04.09.2024). La conseillère fédérale faisait référence à la réforme de la prévoyance vieillesse (LPP21). Eh bien, c’est raté. Comme pour la 13e rente AVS, où sa campagne, relayant «avec beaucoup d’enthousiasme» les poncifs néolibéraux, n’avait pas non plus suffi. Le résultat, «c’est ce qu’on appelle une très grosse gifle» (Le Temps, 23.09.2024): 67,1% de non. Il s’agit d’une victoire syndicale et d’une défaite écrasante pour les milieux patronaux et leur Conseil fédéral.
Pour ce qui est de la suite, l’on ne peut que partager la logique de Pierre-Yves Maillard, le président de l’Union syndicale suisse (USS): «Notre priorité est clairement de renforcer l’AVS» (Blick, 23.09.2024). Dit autrement: c’est le 1er pilier qui doit être consolidé afin qu’il garantisse à toutes et tous des rentes sûres et répondant aux besoins sociaux, au détriment des 2e et 3e piliers, vaches à lait des banques et assurances et formidables outils d’«optimisation fiscale» pour les milieux patronaux et les très hauts revenus.
Justement pour ce qui a trait à l’AVS, deux questions sont à l’ordre du jour.
Tout d’abord, les recours au Tribunal fédéral visant à annuler la votation sur AVS21. Rappelons que pour contraindre ouvrières, infirmières et vendeuses à trimer une année de plus, le Conseil fédéral avait prétendu que «sur les dix prochaines années, l’AVS aura besoin d’environ 18,5 milliards supplémentaires pour couvrir ses dépenses». Cela s’est révélé faux sur toute la ligne. Ce n’est ainsi que grâce à une vaste tromperie des citoyen·nes, digne des fake news de Donald Trump, qu’AVS21 a passé la rampe. Dans l’attente de la décision du Tribunal fédéral, la moindre des choses serait que l’on suspende la hausse prévue, dès le 1er janvier prochain, de l’âge de la retraite des femmes. Ou bien est-ce faire preuve de «beaucoup [trop] d’enthousiasme», dans ce qu’on appelle un Etat de droit, que de demander l’effet suspensif lorsqu’un recours en justice, manifestement fondé, est pendant?
La deuxième question à l’ordre du jour est la 13e rente AVS. Le 13 septembre, le Conseil fédéral a présenté son projet en la matière. Il «‘correspond fondamentalement au point de vue des employeurs’, salue l’Union patronale suisse» (Tribune de Genève, 15.08.2024). Elisabeth Baume-Schneider et consorts envisagent d’attendre le dernier délai possible – décembre 2026, soit près de trois ans après son acceptation! – pour verser la 13e rente. Ce n’est évidemment pas la même célérité que pour abreuver l’armée: les Chambres fédérales ont voté récemment une hausse de 4 milliards du plafond de ses dépenses pour la période 2025 à 2028 (dès l’année prochaine, donc!), pour un total de près de 30 milliards… De surcroît, le Conseil fédéral propose de diminuer la contribution de la Confédération au financement des dépenses de l’AVS: elle passerait de 20,2% à 19,5%. Enfin, il prévoit d’augmenter de 0,7 point la TVA.
Pour ce qui est de ce dernier aspect, quelques réflexions s’imposent. La TVA est un impôt profondément antisocial. Le principe à l’œuvre est le suivant: plus on gagne d’argent, moins on paie proportionnellement d’impôts; et vice-versa. De plus, l’augmentation de la TVA réduirait le pouvoir d’achat tant des travailleur·euses que des retraité·es, alors même que les salaires réels sont en baisse depuis des années et que les rentes du 2e pilier sont en chute libre. De toute façon, l’AVS n’est en rien au bord du gouffre: elle dispose d’une fortune record – près de 50 milliards de francs – et elle réalisera cette année, d’après les dernières projections fédérales, un excédent de 4,2 milliards!
En conclusion, une triple exigence s’impose, outre l’annulation de la votation sur AVS21: que la 13e rente AVS soit versée déjà l’année prochaine, ce qui est parfaitement finançable; que la contribution de la Confédération aux dépenses de l’AVS ne soit pas baissée; que l’on renonce à toute hausse de la TVA. C’est la voie à suivre pour lancer, par la suite, de nouvelles batailles visant à «renforcer l’AVS», de manière conséquente.
* Secrétaire central au Syndicat des services publics (SSP).