Édito

Presse papier ou presse-­citron?

Presse papier ou presse-­citron?
En Suisse romande, la Tribune de Genève se retrouve marginalisée, en appendice de 24 heures qui devient le vaisseau amiral d’un titre couvrant l’arc lémanique. KEYSTONE
Médias

Quelque 290 postes supprimés, deux imprimeries fermées, des titres satellisés: Tamedia, un des silos de TX Group (le plus grand groupe helvétique de médias) a annoncé mardi un train de mesures spectaculaires qui poursuit l’appauvrissement du paysage de la presse suisse.

Et pas pour le mieux, on s’en doute. Le résultat prévisible à terme est une perte massive de diversité. En Suisse romande, la Tribune de Genève se retrouve marginalisée, en appendice de 24 heures qui devient le vaisseau amiral d’un titre couvrant l’arc lémanique. Les informations filtrant de l’interne des deux titres évoquent la crainte d’un regroupement des rubriques nationale et internationale en terres alémaniques, avec traduction de moult articles de l’allemand.

Tout cela va à l’encontre de la pluralité des opinions, un des ferments de la démocratie. Mais ce rôle de quatrième pouvoir est le dernier des soucis de la holding zurichoise. Le but premier est bien de dégager du profit. Au premier semestre 2024, le chiffre d’affaires de TX Group est resté stable à 461 millions de francs. Et 65 millions de francs de dividendes ont été versés aux actionnaires.

Reste que l’industrie de la presse est en crise. La publicité a migré. En partie sur les géants du web comme Google, Facebook, X ou Youtube, en partie vers des sites spécialisés dans les petites annonces tels Autoscout, Jobup ou Ricardo. Pour ceux-ci, les revenus perdus par les journaux restent captifs des grands groupes qui ont racheté ces entreprises. Simplement, ces revenus vont directement dans la poche des actionnaires, sans participer, comme auparavant, au financement croisé des titres de presse qui avaient pourtant permis ces rachats…

Les conséquences sont doubles. Au niveau de l’arc lémanique, si Vaud tire son épingle du jeu avec 24 heures, qui devient la place forte de TX Group en terres romandes, on peut s’attendre à une perte d’identité régionale et un passage sous influence alémanique. La Tribune de Genève est pour sa part menacée. La faute aussi à un manque d’anticipation du Conseil d’Etat du bout du lac qui, après avoir laissé filer l’information de la SSR à Lausanne, paie une nouvelle fois ses carences en matière de politique des médias. Enfin, Vaud perd son imprimerie phare à Bussigny, l’ensemble de la fabrication des journaux déménageant à Berne. Là aussi, la pilule est amère.

Dans ce paysage sinistré, Le Courrier se démène comme il peut pour assurer sa survie, afin de proposer une information à la fois de qualité et qui ne sacrifie pas au dogme ultralibéral et à l’info kleenex. Cela suffira-t-il à garantir sa pérennité?

Ces nouvelles restructurations montrent surtout que nos autorités cantonales et fédérales doivent sortir de leur léthargie en matière de médias. Une politique qui œuvre pour la diversité des titres et des opinions exige un volontarisme et des moyens certains. La Suisse aide ses paysans pour assurer son alimentation; elle pourrait sans rougir soutenir sa presse pour permettre un bon fonctionnement démocratique.

Opinions Édito Philippe Bach Médias

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