Édito

Information: la concurrence en échec

Information: la concurrence en échec
Dans l'univers fluctuant des médias sociaux, difficile de développer des stratégies pour la presse papier. KEYSTONE / IMAGE D'ILLUSTRATION
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Le quatrième pouvoir menacé. La Vie économique, la revue du Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco), vient de consacrer un intéressant dossier1>«Dossier Médias et qualité: état des lieux et perspectives », La Vie économique, mars 2024. à l’état des lieux de l’industrie des médias. Avec certains biais – seule la question suisse est abordée, alors que la crise est mondiale – mais aussi son lot de données fort utiles; le fait que Berne s’intéresse à la question montre que l’urgence qu’il y a en la matière commence peut-être à être – un peu – comprise.

Le bilan de l’effondrement du secteur est acté. Et il est préoccupant. En termes chiffrés, d’abord, la captation des revenus publicitaires par les géants de la Silicon Valley se résume rapidement: entre 2020 et 2024, le montant de la publicité presse est passé de 1 milliard à 735 millions. Le recul est même de 75% par rapport à l’an 2000. Le modèle d’affaires s’érode à la vitesse grand V.

Et les tendances sont à la fois durables – elles ne vont pas s’inverser – tout en s’inscrivant dans une recomposition permanente. Les médias sociaux se succèdent. X (ex-Twitter) est surévalué: il ne représente que 10% des utilisateurs en Suisse. Il pourrait rapidement être détrôné par Threads – moins médiatique –, une plate-forme adossée à Instagram. Dans un univers aussi fluctuant, difficile de développer des stratégies pour la presse papier.

Et surtout, la force de frappe de ces médias électroniques est dévastatrice. Après avoir siphonné la publicité, on les voit attaquer la deuxième source de revenus des journaux: les abonnements. Plusieurs de ces réseaux ont désormais des versions payantes, sans publicité. Cela va contribuer à assécher les fonds à disposition de l’information. Les conséquences de cette hyper-concentration de l’outil de production sont connues: une déshérence démocratique pour cause de difficulté à s’informer et des situations de monopole d’un grand groupe.

«Sans la SSR, la diversité et l’équilibre des informations fournies à la population ne seraient pas suffisamment garantis dans de nombreuses régions de la Suisse», peut-on lire dans ce dossier. A méditer, à l’heure où l’UDC met sous pression le service public. Reste qu’au-delà de ce constat inquiétant, le Seco conserve une prudence de Sioux. Evoquer des pistes – aide directe aux médias, diminution des frais de portage, aide à la transition numérique, taxe Google, par exemple – aurait eu le mérite de mettre les points sur les i dans un monde politique majoritairement incapable, pour l’heure, de sortir des schémas du passé que ce dossier déconstruit utilement.

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