Contrechamp

La Suisse au défi du trafic régional

Le numéro d’été de Pages de Gauche se penche sur la politique suisse des transports, confrontée à de multiples problèmes. Le Syndicat du personnel des transports (SEV) et l’Association transports et environnement (ATE), qui ont collaboré au dossier, livrent leurs points de vue respectifs sur les enjeux du transport régional de voyageurs.
La Suisse au défi du trafic régional
Clef de voûte du système de transports suisse, le transport régional voyageurs assure la desserte de base de toutes les régions, par train, bus, bateau, remontées mécaniques, etc. KEYSTONE
Transports

En juin 2023, lors de la publication du budget prévu pour 2024, le Conseil fédéral avait annoncé différentes mesures d’économie prévues pour les années à venir. Parmi celles-ci, deux touchaient directement les transports publics, d’une part sous la forme d’une réduction des apports au fonds d’infrastructure ferroviaire (FIF) et, d’autre part, par la diminution des subventions accordées au trafic régional de voyageurs (TRV). Une annonce qui avait donné lieu à de vives oppositions émanant tant des organisations et associations de défense des transports publics (dont l’ATE et l’Union des transports publics) que des régions et villes suisses. Et ce n’est ensuite que par une majorité de quelques voix que le Parlement fédéral avait, en fin de compte, tempéré les réductions budgétaires infligées au TRV – ceci en coupant toutefois davantage dans le FIF.

La clef de voûte du système

Ce dernier épisode démontre à quel point les transports publics, y compris spécifiquement le TRV, se trouvent à la merci de mesures d’économie linéaires et irréfléchies. Un constat d’autant plus inquiétant que, quelques semaines seulement après l’annonce du nouvel horaire CFF 2025, la nécessité de maintenir un financement fort du rail est devenue d’autant plus patente. Ce n’est en effet qu’ainsi qu’on arrivera à conserver et renforcer un réseau ferroviaire efficace et fiable, permettant de concurrencer et dépasser la voiture individuelle en termes de confort, sécurité et rapidité.

Clef de voûte du système de transports suisse, le TRV assure en effet la desserte de base de toutes les régions, que ce soit par train, bus ou par d’autres moyens plus exceptionnels (bateau, remontées mécaniques, etc.). Permettant à la fois de réunir les différentes régions du pays et éviter que certaines ne restent isolées, le TRV constitue aussi le point de départ d’une politique de report modal efficace. Sans ce volet en effet, le trafic longue distance et le trafic local ne peuvent correctement fonctionner, étant donné qu’une partie de la population serait privée de moyens efficaces et rapides pour rejoindre une gare ou les centres urbains. En ce sens, le TRV constitue un point d’ancrage de la solidarité entre les régions et évite une surcharge des infrastructures routières par des véhicules individuels motorisés.

Une alternative à la voiture

Si une personne ne peut facilement et de façon fiable rejoindre les centres urbains ou les pôles de mobilité grandes lignes, elle choisira indéniablement un moyen de transport individuel. Lequel, souvent, sera la voiture. Un raisonnement que l’on ne peut bien sûr lui opposer ou critiquer, tant des lacunes et trous dans le TRV ont des effets délétères pour les régions périphériques. Un constat que l’on peut facilement tirer dès le moment où l’on traverse la frontière pour se rendre en France ou en Italie voisines: deux pays qui ont, malheureusement, choisi d’abandonner le financement du TRV pour se concentrer en partie sur les lignes à grande vitesse et, surtout, le réseau autoroutier. Avec les effets évidents que l’on peut attendre: une surcharge de trafic, des bouchons et une pollution importante des centres urbains.

Défendre le modèle suisse

En conclusion, le TRV a temporairement sauvé une partie de son financement, à l’encontre de la volonté du Conseil fédéral. Nous devons toutefois rester attentif·ves à ce que ces mesures d’économie ne soient pas reproposées ces prochains temps – et, en même temps, exclure toute nouvelle coupe dans le FIF. Au risque, sinon, de perdre définitivement ce qui fait de la Suisse l’un des modèles mondiaux en termes de transports publics et ferroviaires.

Les deux articles de ce dossier ont paru dans Pages de gauche, périodique indépendant d’opinions socialistes, no 192, été 2024, pagesdegauche.ch

David Raedler est président de l’ATE VD.

Opinions Contrechamp David Raedler / ATE Transports

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