Nouvelle élection de transition
En renonçant à se présenter pour un second mandat il y a une semaine et demi, Joe Biden a renversé l’échiquier politique de la campagne électorale en cours aux Etats-Unis. Mais pas sûr que cela suffise à faire élire sa vice-présidente Kamala Harris, désormais quasiment assurée de l’investiture démocrate.
Dans un premier temps, il y a bien sûr eu un effet surprise, mâtiné de soulagement. La campagne démocrate faisait de plus en plus penser au Titanic. Pour les électeurs et électrices étasunien·es, avoir à choisir entre un crypto fasciste capable de lancer ses troupes à l’assaut du Capitole et une personne manifestement plus en possession de tous ses moyens était un choix pour le moins décourageant. Rationnellement, l’alternative fait de nouveau sens.
Deuxième atout: la nouvelle candidate du parti à l’âne a des positions claires sur certaines thématiques où Joe Biden était pour le moins chancelant. Et particulièrement sur l’accès à l’avortement. L’annulation par une Cour suprême noyautée de juges réactionnaires de l’arrêt Roe versus Wade garantissant a minima un accès à l’avortement a choqué.
Mais le projet politique démocrate conserve aussi ses faiblesses. Les mêmes qui avaient permis en 2016 à Donald Trump de défaire Hillary Clinton, et avaient vue Joe Biden l’emporter sans gloire en 2020 contre un sortant pourtant largement discrédité. Il n’assure pas les fins de mois à des pans entiers de la population qui végètent dans la pauvreté dans le pays le plus riche du monde.
Un sondage diffusé mardi montre ainsi que Trump réduit son écart dans le vote latino, historiquement acquis aux démocrates. Le discours outrancièrement anti-immigration parle paradoxalement à une partie de cette population non immunisée contre la désignation de boucs émissaires.
Enfin, la position caricaturalement pro israélienne – la standing ovation au Congrès d’un Benjamin Netanyahou pourtant accusé de génocide par la CPI en témoigne – va couper le parti démocrate d’une part non négligeable d’un électorat originaire du monde arabe et musulman, comme l’ont montré les primaires, et du vote jeune, si crucial pour le camp progressiste.
Si Mme Harris l’emporte le 5 novembre, ce sera davantage par défaut que portée par un vrai mouvement social. L’élection de 2020 avait été vue comme une période de transition. Le camp démocrate n’a guère su saisir cette occasion pour reconstruire un projet mobilisateur. Et rien n’indique qu’il est aujourd’hui davantage en mesure de le faire.