Les éducations environnementales
Les questions environnementales sont un enjeu fondamental de nos sociétés. Depuis les années 1970, il existe différentes approches de ces questions.
Dans ses travaux, la professeure Angela Barthes distingue trois périodes et approches des éducations environnementales. La première période, les années 1970 et 1980, est celle de l’émergence de cette thématique à la fois dans le monde militant et dans la recherche universitaire. Elle se caractérise par l’éducation relative à l’environnement (ERE) développée en particulier par la chercheuse Lucie Sauvé et autour d’elle le Centr’ERE au Québec et la revue ERE.
A partir des années 1990, on peut parler d’une phase d’institutionnalisation avec la reconnaissance dans les instances internationales de la notion de «développement durable» et dans la foulée de l’éducation au développement durable (EDD). Pour ses promoteurs, le développement durable constitue un dépassement d’une éducation centrée uniquement sur l’environnement pour inclure l’économique et le social. Néanmoins, la notion de développement est critiquée par certains car elle ne rompt pas avec l’idée de croissance. Quant au social – qui est sensé intégrer les inégalités sociales –, il tend à constituer la portion congrue comme le montre la géographe Hélène Pourque dans sa thèse de doctorat. En définitive comme le montrent Yves Alpe et Angela Barthes dans leurs travaux, l’éducation au développement durable tend à se réduire à une éducation comportementaliste centrée sur les écogestes, avec des types d’action pédagogique privilégié comme le «tri des déchets».
La phase actuelle émerge à partir des années 2010 en lien avec la notion d’Anthropocène. Il s’agit dès lors de penser une éducation à l’ère de l’Anthropocène. Cette phase renoue avec les origines militantes de l’ERE. Néanmoins, en dépit de sa réception dans l’espace public, la notion d’Anthropocène peine à obtenir sa reconnaissance scientifique d’ère géologique auprès des spécialistes.
Cette approche chronologique des éducations environnementales est pertinente. Mais nous proposons d’organiser l’analyse à partir des orientations philosophiques critiques sous-jacentes à certains courants. Dans le cadre de cet article, nous allons limiter notre focale à trois orientations théoriques.
La première est l’éducation à l’Anthropocène telle que proposée par Nathanael Wallenhorst. Une des références sous-jacente de son approche est le convivialisme et le manifeste convivialiste. Dans cette vision, les dégâts environnementaux trouvent en particulier leur origine dans «l’hybris humaine» (une tendance anthropologique au dépassement). Cela transparaît à travers la tendance de l’être humain à dépasser les limites planétaires et dans le capitalisme financier. La démocratie écologique aurait ainsi une fonction de régulation visant à contenir la tendance humaine à l’hybris.
La deuxième orientation théorique est celle de l’éducation posthumaniste, proposée entre autres par Christine Daigle. Elle n’est habituellement pas mentionnée dans les travaux sur les éducations environnementales. Néanmoins, elle nous semble constituer un pôle important des philosophies de l’environnement. En effet, les posthumanistes considèrent que l’origine des problèmes, entre autres écologiques, proviennent des catégories dualistes de l’humanisme moderne qui instaurent l’exceptionnalisme humain. Cela signifierait que cette idéologie de la modernité aurait servi à justifier la domination de l’humain sur les animaux et la nature.
Une troisième orientation est celle de l’écopédagogie dont Greg Misiazek considère qu’elle est proche de l’écomarxisme de Jason Moore. L’écopédagogie ne centre sa critique ni sur l’anthropocène lié à l’hybris humaine, ni sur les catégories dualistes de la modernité, mais sur le capitalocène, à savoir le capitalisme. Néanmoins, l’écomarxisme de Moore se distingue de celui de Malm par le fait qu’il élargit le concept d’exploitation du travail également aux vivants non humains. En cela, il se rapproche de la conception posthumaniste.
On distingue donc trois orientations possibles pour les éducations environnementales. Une orientation qui vise un changement anthropologique et spirituel à travers la critique de l’Anthropocène. Une autre qui vise à repenser complètement les catégories morales et juridiques de la modernité comme l’y invitait Bruno Latour. Enfin, une orientation anti-capitaliste, qui centre sa critique sur la remise en question des rapports sociaux d’oppression de classe, de sexe, de racisation, mais également la domination des vivants non humains.
* Sociologue et philosophe, cofondatrice de l’IRESMO (Institut de recherche et d’éducation sur les mouvements sociaux), Paris,
http://iresmo.jimdo.com/