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Léon Meynet met en garde contre l’addiction aux écrans et aux réseaux omniprésents.  
Addictions

Tout de suite, nous pensons aux drogues dures, à l’alcool, au tabac, aux stimulants. Et, sur tous ces sujets, la presse écrite et les médias ne manquent pas une occasion d’écrire, de parler, de produire des images. Si le cannabis, le crack, la cocaïne restent dans les tendances montantes, il est aussi question, au fil des besoins de l’actualité, des mensonges des cigarettiers, des prescriptions douteuses du fentanyl ou des abus de Viagra. Encore que sur ce dernier produit on est relativement peu disert car la pratique du sexe est, par définition de santé publique, hautement recommandable a fortiori en couple et a posteriori en échangisme. Sur ce dernier sujet, il faut se rappeler que ces hauts lieux spécialisés n’ont pas subi de contraintes d’ouverture durant la période des restrictions Covid-19 dans l’Hexagone. Parfois des situations extrêmes de chemsex qui dégénèrent avec morts à l’appui font la une.

Mais derrière ce brouhaha de faits divers, se développe, en toute quiétude, une addiction qui, elle, laisse parfaitement indifférent, celle du monde numérique sous toutes ses formes. Des jeux vidéo aux séries télévisées en passant par les réseaux asociaux – Tik Tok, Meta, Instagram, X – qui amènent les hommes et les femmes au plus bas niveau de leur intelligence et de leurs sentiments dans un narcissisme exacerbé sans fin. Oui, osons l’affirmer, ce que nous voyons comme une modernité d’expression – vivre avec son temps – est en fait, sans en avoir l’air, la plus veule et la plus destructrice qui soit pour l’humanité. Pour tout et rien, sur tout et rien, nous avons recours à elle. Nous fixons éperdument nos regards sur des écrans pour voir, pour appeler, pour consulter, pour photographier, pour filmer ou pour se mettre en scène. Il y a dans cette épidémie incontrôlée et incontrôlable quelque chose de pathétique qui tend à l’autodestruction. Autodestruction d’une part parce que nous échappons de plus en plus au réel en nous enfermant dans des univers virtuels ou metavers où les messages addictifs dominants sous toutes les formes possibles et imaginables sont assénés comme des vérités factuels à prendre pour argent comptant.

Au fur et à mesure qu’elle se développe, cette addiction a pour conséquence de nous éloigner chaque jour un peu plus de la vraie vie. Celle qui donne du sens au raisonnement, à la rencontre, à la méditation, à la contemplation, à l’échange, à l’attente, au silence. Il est plus que temps que se dessine un courant contagieux de renoncement à l’ordre numérique, aux marchands, aux influenceurs et aux sociétés qui l’imposent. Car derrière cette séduction fictive et abusive du monde numérique par son IA et tous ses supports interposés, il y a, à terme, l’irréversible mort de la pensée humaine.

Léon Meynet, Chêne-Bougeries (GE)

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