Édito

Enrayer la spirale militariste

Enrayer la spirale militariste
Sommet des 75 ans de l'OTAN à Washington. KEYSTONE
OTAN

«Une nouvelle ère a commencé: l’ère de l’avant-guerre». La phrase a été lâchée en mars dernier par Donald Tusk, Premier ministre de la Pologne – un pays qui compte désormais 12 000 soldats de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) sur son sol, auxquels s’ajoutent 10 000 militaires de l’armée étasunienne, massés face au voisin russe. Elle en dit long sur l’état d’esprit des chefs d’Etat qui participent ces jours au sommet de l’OTAN à Washington.

Sur fond de guerre en Ukraine, la réunion célèbre les 75 ans de l’alliance, fondée en 1949 pour faire face à l’Union soviétique. Elle entend surtout donner un coup de fouet à la livraison d’armes et d’avions F-16 vers l’Ukraine, ainsi qu’à la militarisation des 2 500 kilomètres de frontières, désormais hérissés de bunkers et de bases militaires, qui séparent ses Etats membres de la Russie.

«Tous ces renforts de troupes et d’installations militaires sur le flanc est percutent les derniers traités qui permettaient un semblant de maîtrise des armements en Europe», souligne le quotidien Le Monde 1>Le Monde, 8 juillet 2024.. D’ici 2028, les dépenses militaires des Etats européens de l’OTAN pourraient en effet doubler – pour la plus grande satisfaction de Jens Stoltenberg, le secrétaire général sortant de l’alliance militaire2>NZZ, 10 juillet 2024.. Les 32 pays réunis à Washington s’apprêtent ainsi à aggraver la course mondiale à l’armement – l’an dernier, pour la première fois depuis 2009, les dépenses militaires ont augmenté sur les cinq continents, atteignant 2 443 milliards de dollars.

Les Etats-Unis jouent un rôle clé dans ce processus. Confrontée à la contestation de son influence de nouveaux candidats à l’hégémonie mondiale (la Russie et, surtout, la Chine), la superpuissance riposte en étendant encore sa force de frappe militaire – et celle de ses allié·es, ce qui passe par le renforcement de l’OTAN.

Cette fuite en avant militariste est aussi symptomatique de la «mondialisation armée», au cours de laquelle des Etats concurrents se disputent ressources et marchés limités en ayant recours, de plus en plus souvent, à la force brute. L’accélération brutale de ce processus, et des antagonismes qu’il charrie, est grosse de dangers pour la population mondiale: sous plusieurs aspects, elle rappelle les tensions inter-impérialistes qui, en 1914, avaient débouché sur la Première Guerre mondiale 3>Claude Serfati: Un monde en guerres. Textuel, 2024. Lire notre interview dans l’édition du 30 janvier 2024..

La spirale belliciste dont l’OTAN se fait le fer de lance met donc à l’ordre du jour la reconstruction d’un mouvement antimilitariste à l’échelle mondiale. La mobilisation exemplaire contre la guerre génocidaire menée par Israël en Palestine démontre qu’il est possible d’avancer aujourd’hui dans cette direction.

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