Édito

Des crimes d’État

Des crimes d’État
Vingt-sept migrant·es ont tué·es le 24 juin 2022 au Maroc, alors qu’ils et elles tentaient de franchir la barrière séparant le royaume chérifien de l’enclave espagnole de Melilla. KEYSTONE
Migration

«Un des crimes les plus graves perpétrés dans le cadre de la gestion discriminatoire et militarisée des frontières de l’Europe.» L’agence de recherche spécialisée dans les droits humains Border Forensics a publié jeudi dernier une enquête jetant une lumière crue sur la mort de vingt-sept migrant·es tué·es le 24 juin 2022 au Maroc, alors qu’ils et elles tentaient de franchir la barrière séparant le royaume chérifien de l’enclave espagnole de Melilla1>«Le Piège de la frontière de Nador-Melilla. Une contre-enquête sur le massacre raciste du 24 juin 2022.» Une enquête de Border Forensics en collaboration avec la l’ONG espagnole Iridia-Défense des droits humains et l’Association marocaine des droits humains. . Un rapport qui fait froid dans le dos. Il décrit comment plusieurs centaines de migrant·es ont été attiré·es par la police marocaine avec la complicité de ses homologues espagnols dans un piège, nassé·es, puis réprimé·es avec une brutalité extrême. Plusieurs de ces malheureux et malheureuses ont été tabassé·es à mort par les policiers. En sus des 27 mort·es (23 reconnu·es), on compte aussi 70 disparu·es! La majorité des personnes tuées l’ont été dans la partie espagnole du poste-frontière.

Une seconde enquête, de la BBC celle-là2>La Tribune de Genève a traduit et publiés cette enquête dans son édition du 17 juin. , documente comment la Grèce se débarrasse de potentiels requérant·es d’asile en les reconduisant et en les abandonnant en pleine mer. Certain·es ont été jeté·es par-dessus bord, parfois ils et elles ont été roué·es de coups. Certain·es avaient les mains attachées dans le dos. Des actions qui, selon la BBC, font partie d’un système voulu en haut lieu par le gouvernement grec. Ces méthodes criminelles se déroulent en vertu du droit actuel, même si elles sont pratiquées sous le radar. L’enquête de Border Forensics met en évidence un refus d’enquêter sur ces crimes de la part des pays concernés. L’instruction française sur le cas de 27 migrant·es noyé·es dans la Manche en 2021 fait l’objet de pression et de représailles par la hiérarchie de la gendarmerie militaire, comme l’ont dénoncé les juges instructeurs3>Le Monde du 7 juin. .

Or, le droit est de surcroît en train d’être durci! Le pacte migratoire européen n’annonce rien de bon. Des pays comme la Suisse tentent de créer des hub de réadmission dans des pays tiers comme le Rwanda. Et quid d’une arrivée au pouvoir de l’extrême droite en France? Les temps sont troubles. Et des pays se revendiquant de la démocratie adoptent des méthodes qui bafouent l’Etat de droit et le respect des normes fondamentales. Gardons-le à l’esprit quand ces même autorités viendront justifier leur sale besogne au nom de la légalité. Le bon droit sera au contraire du côté de ceux qui refusent ces ignominies.

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Opinions Édito Philippe Bach Migration

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