Édito

«Barrage» de gauche au RN?

«Barrage» de gauche au RN ?
Des manifestants défilent avec une banderole portant l'inscription "Front populaire", lors d'une manifestation à Marseille, dans le sud de la France, le samedi 15 juin 2024. Des groupes antiracistes se sont joints aux syndicats français et à une toute nouvelle coalition de gauche pour manifester à Paris et dans toute la France samedi contre la montée de l'extrême droite. KEYSTONE
France

Cela n’a pas été le «raz-de-marée populaire» souhaité par la gauche pour s’opposer au Rassemblement national samedi dans les rues de France. Après la dissolution irresponsable de l’Assemblée nationale par le président Macron le 9 juin, il est pourtant minuit moins une avant une possible prise de pouvoir par le parti héritier du fascisme en France début juillet. A cette aune, le demi-million de citoyens qui a défilé paraît un peu maigre comparé aux 1,2 million de personnes mobilisées début 2023 contre la réforme des retraites et des 1,5 million contre Jean-Marie Le Pen en 2002.

Pourtant, l’élan est bien là et l’union de la gauche qui a pris la forme d’un nouveau «Front populaire», en référence judicieuse à 1936, est porteuse d’espoir. Rien n’est inéluctable dans l’arrivée au gouvernement de l’extrême droite. En France, elle n’est jamais parvenue au pouvoir par les urnes. Une gauche unie, plurielle – ou le PS (converti au néolibéralisme) est minorisé ou pour le moins contenu –, a en effet ses chances aujourd’hui face à un macronisme qui a implosé sous le coup de ses réformes anti-sociales, une droite fracturée – marquée dans l’actualité par la tentative ratée d’alliance des Républicains avec le RN par Eric Ciotti – et un mouvement ré-actionnaire et xénophobe qui ne séduit souvent que par défaut.

Mais l’incertitude est totale. La gauche qui a pour l’instant – en dépit des dernières manœuvres pathétiques de samedi au sein de la France insoumise (LFI) gangrenée par une direction autoritaire – réalisé la prouesse de s’unir malgré d’amères divisions parviendra-t-elle à obtenir un sursaut démocratique et social? Annoncer la couleur des premières réformes à adopter est sensé et séduisant: smic à 1600 euros, annulation de la réforme des retraites, indexation des salaires à l’inflation, etc. Mais pas sûr que ce soit suffisant pour convaincre dans une France rongée par la précarité et dont une bonne partie de l’électorat en tient l’immigration et l’islam pour responsables.

Les jeunes – souvent abstentionnistes – feront-ils la différence en se rendant aux urnes? Confronté es à un choix possible au second tour entre la gauche et l’extrême droite, combien d’électeur·rices macronistes préféreront-ils et elles la première option? Deux questions parmi tant d’autres auxquelles on ne peut répondre, d’autant que la scandaleuse campagne de diffamation à l’égard de LFI, accusant à tort ses représentants d’antisémitisme, a jeté le trouble. Mais il est évident qu’en fidèles serviteurs du patronat une bonne partie de la macronie et de la droite préférera sans nul doute un RN qui défend les intérêts du capital à une gauche qui rognerait sur ses profits. Le jeu électoral, où les intérêts bien sentis pèsent de tout leur poids, est très ouvert.

Opinions Édito Christophe Koessler France

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