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Trop chaud pour travailler

Le 26 mai dernier, la Communauté genevoise d’action syndicale (CGAS) a organisé un séminaire sur la protection de la santé au travail face aux canicules. Constats et revendications.
Santé au travail

De tous temps, la protection de la santé des travailleuses et des travailleurs a constitué un pilier fondamental de l’action syndicale. Avec deux revendications essentielles: le salaire pour pouvoir manger, et la limitation de la durée du travail – non pas pour les loisirs (concept réservé à l’époque à l’aristocratie), mais simplement pour récupérer, littéralement ne pas mourir d’épuisement, de maladie ou d’accident dans les champs, au fond des mines, ou d’ateliers insalubres.

Si ce combat pour la santé au travail n’a jamais cessé, les travailleuses et travailleurs sont confronté·es aujourd’hui à de nouveaux dangers: ceux qui découlent du réchauffement climatique et de la multiplication d’épisodes caniculaires. Afin de discuter de ces enjeux, et esquisser des pistes de revendications, ce sont plus de 70 militant·es de divers secteurs économiques, secrétaires syndicaux·ales de Genève ou de Suisse romande, militant·es écologiques et féministes, avocat·es et inspecteur·trices du travail qui ont participé au séminaire organisé sur ce thème le 26 avril dernier par la CGAS. L’apport pointu de spécialistes suisses et européens, économistes, sociologues, professeurs d’université, hygiénistes du travail et syndicalistes a permis de faire le tour de la question et de poser deux constats: les canicules à répétition deviennent un risque professionnel, et les mesures de protection actuellement déployées en Suisse et à Genève sont insuffisantes.

Le stress thermique met gravement en danger la santé. Il s’agit d’une situation de déséquilibre. Le corps humain produit de la chaleur qu’il faut éliminer pour maintenir une température inférieure à 38° C. En cas de dépassement, les conséquences pour la santé peuvent être multiples: réduction des capacités cognitives et de la vitesse de réaction; ce qui peut provoquer des accidents de travail, déshydratation, pouls rapide, crampes musculaires, confusions, vertiges, syncope, jusqu’au coup de chaleur, mortel dans 15 à 25% des cas. Le stress thermique aggrave également nombre de maladies chroniques cardiaques, rénales, respiratoires, diabète, et se combine mal avec la prise de médicaments antidépresseurs.

Les épisodes de forte chaleur constituent donc un risque majeur pour la santé des travailleur·euses, particulièrement pour celles et ceux qui doivent déployer d’importants efforts physiques, qui sont exposé·es à d’autres sources de chaleur (machines, matériaux), au rayonnement solaire, à un fort taux d’humidité ou encore à une faible ventilation dans leur environnement immédiat.

La protection de la santé au travail en Suisse est régie par la Loi sur l’assurance-accident (LAA) et par la Loi sur le travail (LTr), notamment son article 6. Toutefois cet article se borne à indiquer que l’employeur est responsable de prendre toutes les mesures pour protéger l’intégrité personnelle des travailleuses et travailleurs. Mais la loi ne détaille pas clairement les mesures. Elles restent ainsi au libre choix de l’employeur.

L’Ordonnance 3 de la loi (OLT3) mentionne le climat des locaux, la protection contre l’ensoleillement excessif et la mise à disposition d’eau potable. Mais n’indique pas de température limite pour déclencher les mesures ni pour interdire le travail en cas de température excessive.
Sans détail des mesures à mettre en œuvre et sans température seuil, les lois laissent ainsi un flou que certains employeurs ne manquent pas d’exploiter pour contester les recommandations de l’inspection du travail. Résultat: les salarié·es ne sont pas suffisamment protégé·es. Une situation qu’il est urgent de corriger.

Paru dans SIT-info n° 4, Juin 2024, journal du Syndicat interprofessionnel de travailleuses et travailleurs, sit-syndicat.ch

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