Des droits jamais acquis
C’est face à l’adversité que l’on mesure au mieux l’importance des droits fondamentaux. De l’année 2023, la Coordination genevoise pour le droit de manifester tire un bilan qualifié de «préoccupant» en la matière. En cause, notamment, des processus jugés arbitraires, des intimidations policières, voire des amendes.
Des règles et une répression régulièrement dénoncées ces dernières années par la coordination qui conteste depuis sa création le régime des autorisations. Mais rien n’y fait.
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Si le terme préoccupant a été choisi pour 2023, quel qualificatif faudra-t-il utiliser pour l’année en cours? Depuis plusieurs mois, les attaques contre le droit de manifester augmentent dans un contexte de multiplication des cortèges liée notamment à la nécessité de dénoncer la catastrophe humanitaire en cours à Gaza. C’est pourtant dans ces moments-là que le droit de manifester est le plus primordial.
C’est également dans ces temporalités de fortes mobilisations, comme lors du G8 ou des conférences de l’OMC, qu’il est le plus attaqué. A l’époque, affrontements et dégâts avaient servi de rampe de lancement à des durcissements sans précédent de la loi sur les manifestations.
Aujourd’hui, face à des cortèges pacifiques, mais se succédant à un rythme soutenu, les mêmes partis de droite veulent encore restreindre ce droit. Pour défendre des commerçant·es se plaignant de chiffres d’affaires en baisse, sans en donner de preuves concrètes que des témoignages, et encourager le chaland à flâner et consommer sans états d’âme liés à la marche du monde, la droite a embouché les trompettes d’un nouveau durcissement.
Un projet de loi PLR vise à interdire les cortèges sur les quais et le pont du Mont-Blanc, ainsi que sur les axes empruntés par les trams. Une «loi cagibi», dénoncent les militant·es qui se verraient privés ainsi d’une visibilité indispensable.
En attendant de savoir si ce texte passera, ces doléances ont déjà été partiellement entendues par la conseillère d’Etat chargée des Institutions. La socialiste Carole-Anne Kast a serré la vis. Les manifestations ne sont plus autorisées en tant qu’événements isolés, mais s’inscrivant dans un contexte global.
A ce titre, les jours, parcours et horaires peuvent être modifiés. Une restriction proportionnée, s’est défendue l’élue. Un recul qui s’inscrit dans une longue liste et qui nous rappelle, s’il le fallait encore, que les droits fondamentaux ne sont jamais acquis et qu’il faut se battre pour les préserver.