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La prime par tête, l’origine du mal de la LAMal

En affirmant qu’un financement de la santé plus solidaire conduirait nécessairement à une explosion des coûts, les adversaires de l’initiative pour l’allègement des primes «se trompent», selon Florian Chappot. Explications de l’élu socialiste valaisan.
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En Suisse, plus votre revenu est élevé, plus une part importante de ce dernier finance les prestations publiques. Ce mécanisme découle du principe constitutionnel, qui veut que l’impôt tienne compte de la capacité économique des personnes. Les routes cantonales et communales, la police, mais aussi les écoles sont financées de cette manière sans que cela ne soit remis en question. Mais pas la santé. Dans ce cas-là, c’est l’inverse. Plus votre revenu est bas, plus la part de votre revenu que vous consacrez à la santé est importante. Pour faire simple, si vous gagnez peu, la totalité de vos coûts de santé1>Assurance maladie, payements directs dont franchise et impôts. représentera 20% de votre revenu. Seulement 10% si vous gagnez beaucoup.

Cette exception dans le financement d’une politique sociale est la conséquence de choix politiques datant de quarante ans: la franchise, les nombreux paiements à la charge directe de l’assuré·e, mais surtout la prime par tête qui ne tient pas compte du revenu. Ce qui fait de la Suisse la lanterne rouge européenne en matière de financement public des dépenses de santé, avec à peine un tiers des coûts réglés solidairement. Partout ailleurs, c’est le double ou plus.
Le Conseil fédéral le disait déjà en 1991: «Aucun Etat de la Communauté européenne ne connaît des primes par tête dans le domaine de l’assurance-maladie sociale»2>Message du Conseil fédéral concernant l’initiative populaire «pour une saine assurance-maladie», 6 novembre 1991.
. En invoquant le respect du fédéralisme et des assureurs maladies, l’exécutif fédéral proposera pourtant ce mode de financement inéquitable au début des années nonante lors de la révision de la loi sur l’assurance maladie.3>Message du Conseil fédéral concernant
la révision de l’assurance-maladie,
6 novembre 1991.

Financièrement, notre système de santé est confronté à deux défis majeurs: 1) des dépenses de santé démesurées pour les ménages modestes et de la classe moyenne; 2) des coûts globaux de santé qui croissent quatre fois plus que l’inflation. Les opposants à un financement plus solidaire de la santé associent toujours ces deux problèmes, confondant la manière dont la facture est répartie et le montant total de la facture. Ils affirment que si le financement de la santé était plus solidaire, les coûts exploseraient.

Ils se trompent. On peut très bien avoir un financement équitable, et des coûts mieux maîtrisés (Autriche, Hollande). Ou alors un financement peu solidaire, et des coûts pas maîtrisés du tout. Nous en savons quelque chose en Suisse. Au fond, même si notre pays limitait drastiquement l’augmentation des dépenses de santé, la situation actuelle resterait intenable pour de nombreux ménages. Cela démontre bien qu’il faut répondre de manière distincte à ces deux légitimes préoccupations, comme le propose les deux initiatives soumises à la population le 9 juin 2024.

Mais il faut bien l’admettre, la maîtrise des coûts est un problème bien plus complexe à résoudre que la répartition de la facture. Partout en Europe, les dépenses de santé augmentent, notamment par le fait du vieillissement de la population. En Suisse, les forts intérêts économiques liés à la santé empêchent la mise en œuvre de réformes. Dans ce contexte, l’initiative du Centre fait une proposition qui semble trop rigide pour être appliquée, car l’évolution des salaires n’est pas liée au vieillissement de la population.

Quoiqu’il en soit, le parlement fédéral doit absolument se mettre d’accord sur un le prix de référence des médicaments ou sur l’introduction de réseaux de soins. Proposer un financement de la santé plus solidaire est bien plus aisé. Ce n’est finalement qu’une question de choix politique, de manière dont la facture est répartie.

Le 9 juin, nous avons la possibilité de faire un nouveau choix, de corriger en partie le péché originel de l’assurance maladie obligatoire, la prime par tête, en soutenant l’initiative d’allègement des primes.

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