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Le financement des soins, un choix crucial aux urnes

À votre santé!

Le financement des soins est une préoccupation principale de la population et chacun·e se demande comment il ou elle pourra encore payer ses primes d’assurance-maladie et celles de sa famille, puisqu’en Suisse, encore et toujours, chaque individu paie une somme fixée indépendamment du revenu. Les primes sont obligatoires – et c’est tant mieux – mais, dans ce sens, elles peuvent être assimilées à une taxe, un peu comme la TVA. Sauf que les augmentations qui viennent comme un rituel infernal en septembre de chaque année échappent à tout contrôle démocratique, alors qu’elles se montent à des pourcentages pouvant atteindre deux chiffres. Tandis que la moindre augmentation de TVA ou, pire (!), de cotisation salariale fait l’objet d’âpres luttes – il suffit de voir comment la droite du parlement et les centres patronaux s’élèvent contre une potentielle augmentation paritaire de 0,8% de ponction salariale pour financer la 13e rente AVS… à partir de 2030! (au nom du coût social et de la compétitivité économique,bien sûr).

Ainsi, les assuré·es – nous tous·tes – sont captifs et ne peuvent que constater année après année la baisse de leur pouvoir d’achat, étant entendu que les augmentations des revenus, qui peinent à suivre l’inflation, ne suivent pas la même évolution. Il existe bien des subventions dites «ordinaires» voulues par le parlement fédéral et donc inscrites dans la LAMal, mais leur application dépend du bon vouloir des cantons qui, actuellement, doivent en payer moitié: cela crée des disparités importantes: certains cantons n’utilisent pas l’entier de la manne fédérale pour ne pas avoir à ponctionner dans leur budget, laissant des familles dans de graves difficultés financières. De plus, ces subventions concernent principalement les personnes à l’aide sociale ou bénéficiant des prestations complémentaires.

Il est par ailleurs piquant de relever que, selon l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), la prime standard (avec une franchise à 300 francs et le modèle de base) s’élève à 635 francs par mois. C’est théoriquement ce que chacun·e devrait payer. Or, la prime moyenne calculée par l’OFSP (incluant toutes les franchises et les modèles alternatifs) est dans les faits de 483 francs par mois. Cette différence montre bien que chacun·e essaie d’économiser –  soit en augmentant sa franchise soit en restreignant son choix du médecin ou de l’établissement hospitalier où se faire soigner –  en tablant sur le fait qu’il ou elle ne tombera pas malade. Ce calcul est risqué, diminue la «mutualisation» du financement des soins, ce qui rend le système encore moins social, et peut faire facilement basculer un budget familial dans les dettes en cas de pépin de santé. Mais qui peut payer 635 francs par mois et par personne, alors que les prix de l’énergie, des loyers et de l’alimentation augmentent aussi?

C’est à ce constat dramatique que l’«initiative d’allègement des primes», qui demande leur plafonnement à 10% du revenu disponible, tente de répondre. La différence sera payée pour les deux tiers par la Confédération et un tiers par les cantons – donc par l’impôt, qui est progressif. C’est dire que les salaires les moins élevés verront ainsi leur revenu disponible augmenter – bien plus que par une baisse d’impôts prônée par la droite des parlements, qui favorise les plus gros revenus.

Bien sûr, cela ne change pas la facture globale des soins, seulement sa répartition, qui devient plus équitable, donc finançable par chacun·e de nous, et redonne à la LAMal son crédit initial qui visait une accessibilité aux soins pour tous·tes en ne dépassant pas plus de 8% du revenu disponible (comme c’était prévu lors de son lancement en 1996). A relever que, depuis 2019, le canton de Vaud a introduit ce système d’allègement des primes sans avoir fait faillite, à ce que l’on sache, malgré des diminutions d’impôts imposées par la droite, majoritaire depuis deux ans.

Il est nécessaire de rappeler que les assuré·es – la population, donc – ne doivent pas faire les frais d’une augmentation des coûts des soins qui n’est pas, et de loin, seulement liée au vieillissement de la population. Or, si l’initiative est acceptée, le parlement, les gouvernements cantonaux et le Conseil fédéral auront tout intérêt à veiller à une gestion ciblée des dépenses de santé et à légiférer pour endiguer enfin efficacement les profits excessifs, le sur-approvisionnement et les redondances si répandus dans le secteur de la santé, et qui sont bien identifiés.

C’est là l’enjeu principal des votations du 9 juin concernant la santé. N’oublions pas d’exercer notre droit populaire, surtout quand  nos élu·es ne réussissent pas à trouver des solutions socialement équitables et laissent, par laisser-aller ou par conviction, la porte ouverte à une prise en charge des soins à deux vitesses.

* Pédiatre FMH, conseiller communal à Aigle.

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lundi 8 janvier 2018

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