Gaza: «Le Conseil d’Etat a choisi son camp»
Depuis le début de la guerre à Gaza, le Conseil d’Etat s’est fourvoyé. Prétendant vouloir prémunir Genève d’une «importation du conflit», il s’est muré dans un silence ambivalent, prétendant ne pas prendre position, tout en subissant des pressions l’invitant à refuser de défendre ce qui fait la fierté de Genève: la défense des populations civiles et le droit humanitaire. Il a continué de pencher du côté de ceux qui se sont employés à réduire au silence les voix courageuses dénonçant une boucherie à Gaza (plus de 35’000 personnes tuées à 70% composées de femmes et d’enfants, plus de 78’000 blessé·es); un système sanitaire, universitaire, scolaire, qui a été rasé. Plus de 200 travailleur·euses humanitaires, 180 membres du personnel de l’ONU, 140 journalistes tué·es, etc.
Le Conseil d’Etat a d’abord interdit aux manifestant·es propalestinien·nes de se réunir tous les jours au même endroit, les envoyant se promener sur des itinéraires régulièrement éloignés du centre et volontairement déserts. Il a ensuite régulièrement donné des gages à ceux qui instrumentalisent la lutte contre l’antisémitisme pour faire taire toute critique contre le gouvernement de Netanyahou. Enfin, par la pression mise sur l’université pour mettre fin à un mouvement étudiant, il a parachevé son basculement.
En montrant le peu de cas qu’il fait de la liberté de manifester et de s’exprimer, le Conseil d’Etat a paradoxalement démontré sa grande fragilité. Ses décisions successives ont donné du grain à moudre et renforcé les voix dénonçant la partialité du Conseil d’Etat face aux crimes et risques de génocide à Gaza. Pire, sa volonté de limiter l’expression de la contestation a alimenté un durcissement du mouvement. Interdiction de piquets dans l’espace public, délogement de force de l’université… chaque étape visant à restreindre une mobilisation légitime pour les droits humains a vu grandir la mobilisation. Nourri·es par la partialité du Conseil d’Etat, les étudiant·es des hautes écoles de travail social appellent désormais à leur tour à la mobilisation et à l’occupation.
La position du Conseil d’Etat de tenir Genève à l’écart du conflit est un échec. Prétextant la neutralité, il a dans les faits, dès le début, choisi son camp. La faiblesse et la partialité du Conseil d’Etat alimentent la mobilisation et poussent à une radicalisation du mouvement. Nous voilà donc arrivé·es précisément au point que le Conseil d’Etat avait prétendu vouloir éviter. Il ne lui reste tristement que la force pour dissimuler son impuissance. Il aura entre-temps attisé la colère et terni l’image de Genève, capitale silencieuse des droits humains.
Sylvain Thévoz est député socialiste au Grand Conseil genevois.