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Parce que je suis de Genève

Carol Scheller-Doyle n’accepte pas les prises de position de la Suisse face au drame que vivent les Palestiniens à Gaza.
Conflit

Genève, la ville de l’initiative qui a donné un immense espoir au monde en 2003 lorsqu’Israéliens et Palestiniens se sont joints dans leur soutien d’un grand projet de paix. Genève où, en 2021, les présidents Poutine et Biden étaient accueillis pour une rencontre digne. L’image de la Suisse comme faiseuse de paix en est sortie dorée.

L’image de la Suisse comme championne incontestée des droits humains a marqué l’histoire européenne. Sa réputation mondiale dépassait sa taille modeste. Mais l’étoile qu’était la Suisse ne brille plus.

Jour après jour, depuis cinq mois, des frappes israéliennes tuent et mutilent des gens dans leurs maisons et leurs tentes. Cela se passe dans un petit endroit de la taille du canton de Genève où plus de 2 millions de personnes essayent de survivre dans des conditions indignes depuis de longues années. Hier encore, il y a eu une centaine de morts partout dans la bande de Gaza. La Suisse reste silencieuse.

La famine guette. Jour après jour, des camions remplis de nourriture et d’eau restent bloqués malgré les demandes de Médecins sans frontières, de l’OMS, de plusieurs organisations comme l’Unicef et le Programme alimentaire mondial, et surtout de l’UNRWA, l’agence de l’ONU la mieux habilitée pour ce travail, malgré les appels désespérés des Gazaouis. Les morts s’accumulent. Les bombardements impitoyables et imprévisibles continuent. Il est impossible de livrer de l’aide sans un cessez-le-feu mais aucune protestation ne parvient de la Suisse officielle.

Certains pays réagissent: la Suède et le Canada annoncent leur soutien à l’UNRWA. Mais la Suisse ne vient pas à l’aide de l’agence dont pourtant c’est un Suisse qui en est le responsable, un Suisse qui se démène pour remplir sa mission. Le 7 mars, la Norvège a annoncé sa contribution à l’UNRWA en exhortant de nombreux pays donateurs et l’Union européenne à réfléchir aux conséquences de l’absence de leur soutien.

Le souvenir d’une présidente genevoise de la Suisse revenant d’un pays en guerre avec une famille qui avait besoin de protection reste en moi. La Suisse n’est-elle plus capable d’œuvrer pour la protection que les Conventions de Genève garantissent? Est-ce vraiment possible que la Suisse ne veuille pas venir en aide, ni en appelant à un cessez-le-feu ni en facilitant un soulagement de la famine à Gaza?

Faut-il accepter que la Suisse renonce à jouer un rôle déterminant sur la scène politique? Par le passé, elle rendait possible un dialogue entre deux parties en conflit. Elle a ce savoir-faire rare, cependant elle n’agit pas. Parce que je suis de Genève, je ne peux pas l’accepter. Je suis de Genève mais je ne me reconnais plus comme citoyenne d’une Suisse qui cautionne par son silence la condamnation délibérée des êtres humains à une non-existence programmée.

Carol Scheller-Doyle,
Chêne-Bougeries (GE

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