Édito

Pas d’atomes crochus

Pas d'atomes crochus
L’EPR de Flamanville (France) a depuis le début des travaux en 2007 multiplié sa facture par cinq (une estimation de la Cour des comptes le portant à 19,1 milliard) et la durée du chantier par quatre. KEYSTONE
Energie nucléaire

L’atome reprendra le chemin des urnes. La Suisse, après avoir voté le principe d’une sortie du nucléaire en 2017, devra dire si – à l’aune des nouveaux enjeux géostratégiques liés à l’électricité – elle souhaite remettre de l’uranium dans la machine en se prononçant sur l’initiative «Stop au blackout». A l’approche de son treizième anniversaire, la catastrophe de Fukushima semble déjà bien loin, elle qui avait réveillé les consciences sur les dangers du nucléaire et décidé la conseillère fédérale Doris Leuthard à mettre un frein sur l’atome.

Aujourd’hui, non contente de revenir sur le devant de la scène, l’énergie atomique se drape de nouveaux arguments dans l’air du temps. Ses vertus? La sacro-sainte indépendance énergétique que défend une alliance de droite UDC-PLR-Le Centre. Mais aussi le zéro carbone, qui en ferait l’alliée incontournable de la transition énergétique. Le tout avec une sécurité améliorée, qui reléguerait au rang d’accidents de l’histoire les tragiques Tchernobyl et Fukushima.

Un portrait qu’a dessiné sur mesure le lobby de l’atome, le comité d’initiative incluant notamment un ancien directeur adjoint de l’Agence internationale de l’énergie atomique. «Notre pays a besoin d’un approvisionnement en électricité sûr, respectueux de l’environnement et du climat, financièrement abordable et autonome. Cela n’est pas possible sans énergie nucléaire», lit-on dans le résumé de l’initiative. Lequel se garde bien de préciser que l’uranium enrichi utilisé dans les centrales suisses vient au mieux d’Allemagne, au pire de Russie. Trois entreprises dans le monde détenant l’essentiel de ce marché, il va sans dire que Rosatom, le leader russe, est passé au travers des sanctions prises contre la Russie au lendemain de l’attaque de l’Ukraine.

Pas un mot non plus sur les déchets radioactifs, dont on ne sait pas plus qu’hier ce qu’il en adviendra demain. La Suisse a opté pour le dépôt en couches géologiques profondes et ce pour des centaines de milliers d’années, perspective temporelle de désintégration des composés radioactifs. Un stockage dont personne ne veut, sans surprise, sur ses terres et qui pose la question de la dissémination de radioactivité dans la biosphère.

Quant à résoudre l’urgence climatique, l’argument n’est que rhétorique. Il faudra des décennies pour parvenir à un projet fonctionnel et l’exemple du voisin français pourtant leader en la matière est parlant: L’EPR (pour réacteur pressurisé européen) de Flamanville a depuis le début des travaux en 2007 multiplié sa facture par cinq (une estimation de la Cour des comptes le portant à 19,1 milliard) et la durée du chantier par quatre. Des investissements inaccessibles pour de nombreux pays, rendant illusoire le déploiement du nucléaire pour répondre au défi global du réchauffement climatique. La Suisse ferait mieux de mettre à profit ses moyens pour développer les énergies renouvelables. En notant que la seule solution vraiment durable en matière d’électricité future s’appelle sobriété.

Opinions Édito Maude Jaquet Energie nucléaire

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