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Il ne faut pas fragiliser l’école publique

Nicole Guichard Jeanneret critique la décision du DIP genevois d’ajouter deux heures d’enseignement au Cycle d’orientation.
Education

Je souhaite réagir à la suite de l’interview de Madame Anne Hiltpold, conseillère d’Etat chargée des écoles, dans l’émission Forum de la RTS du lundi 6 février 2024 au sujet de l’annonce de deux heures de cours supplémentaires par semaine pour chaque professeur du Cycle d’orientation genevois.

Pour Madame Anne Hiltpold et le PLR, il n’y a pas de quoi s’agiter.

Mais il faudrait enseigner pour se rendre compte que les élèves ne sont pas des produits consommables, additionnables.

Enseigner ne se réduit pas en heures devant les élèves, mais implique des heures à motiver des élèves après les cours, à les soutenir dans leurs efforts, à leur dire que l’on croit en eux, à suivre leur parcours, à discuter avec les parents, à inventer des stratégies d’apprentissage individualisées, à trouver des solutions personnalisées.

Ceci n’est pas réservé aux maîtres titulaires de la classe, nous faisons équipe et chaque enseignant est concerné par la progression de chaque élève. C’est notre métier et il est essentiel de créer le lien avec l’élève pour favoriser l’apprentissage.

Sans ce lien prof-élève, l’élève est seul. Certains s’en accommodent, mais beaucoup n’y parviennent pas, car l’adolescence est une transition délicate. Les adolescents ont besoin d’être vus dans leurs singularités. Multiplier les heures d’enseignement, c’est réduire nos compétences à «faire le plan d’étude», c’est laisser une partie des élèves au bord du chemin faute de temps à leur consacrer.

Les ressources mentales ne sont pas extensibles. Deux heures de plus à enseigner en classe et qu’enlèvera-t-on? La recherche de solutions lors des conseils de classe? Les sorties scolaires? Des évaluations en moins? Les journées découvertes? Il n’y a aujourd’hui aucune tâche administrative inutile à enlever. Deux heures de plus en classe, c’est dégrader la qualité de l’enseignement, empêcher le suivi individualisé, rendre inopérant l’inclusion d’élèves à besoins particuliers, fragiliser l’école publique.

Alors je pose la question: est-ce là l’intention de Madame Hiltpold et du PLR? Fragiliser? Dégrader l’école? Pour le bien de qui? C’est finalement prendre le risque d’augmenter le nombre de jeunes déscolarisés à quinze ans.

Charger plus les enseignants c’est risquer de passer à côté d’une formation équilibrée des élèves et de le regretter plus tard. Trop tard.

Nicole Guichard Jeanneret,
enseignante au Cycle d’orientation de 1981 à 2023,
Collonge-Bellerive (GE)

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