Deux fois non au démantèlement du PAV
La votation cantonale genevoise du 3 mars portera sur deux lois (12290 et 12291) combattues par l’Asloca. Dans un contexte de crise du logement, ces deux lois sont une attaque portée à la construction de logements accessibles à la majorité de la population et un hold-up sur des terrains de la collectivité dans le secteur Praille-Acacias-Vernets (PAV).
En 2018, la population s’est prononcée pour accroître le nombre de logements à loyer abordable sur les terrains du PAV, qui sont aujourd’hui en mains publiques. Il s’agissait de doubler le nombre de logements du futur quartier en réduisant le nombre de bureaux prévus initialement. La loi en vigueur laisse aujourd’hui la possibilité aux promoteurs de réaliser des immeubles en PPE (propriété par étage) sur 12% au plus de l’ensemble du périmètre du PAV.
Il est essentiel de ne pas donner la priorité à la PPE sur le locatif. Les PPE ne sont en effet accessibles qu’à une minorité de la population, au prix d’un endettement massif. Le PAV doit servir à répondre au besoin de la majorité de la population à la recherche de logements à loyers abordables.
La population a aussi souhaité mettre ces logements en PPE à l’abri de la spéculation, en prévoyant que les PPE doivent être construites sur des terrains en droit de superficie. Les terrains restent donc propriété de la collectivité. Ceci réduit le prix des futures PPE, mais surtout permet à l’Etat de prévoir une limitation permanente des prix des PPE ainsi que l’obligation que les propriétaires y habitent. En quelque sorte, ces logements sont aujourd’hui soumis au régime de la loi Longchamp pour toute leur existence et non pas seulement pour dix ans.
La loi en vigueur sur le PAV a été acceptée en votation populaire avec 61,43% de oui. C’est cette loi que les représentants des milieux immobiliers au Grand Conseil remettent en cause avec les lois 12290 et 12291. Ces deux lois permettraient en effet de tripler le nombre de PPE au PAV et contraindraient l’Etat à vendre 24% des terrains publics sur ce secteur pour réaliser des PPE. Elles fixent un objectif général visant à atteindre 24% de logement en PPE dans le canton et ordonne à l’Etat de mener une politique active en la matière. Cet objectif est plus élevé que celui de 20% qui existe pour les logements d’utilité publique. Le but de la politique publique du logement ne serait plus de garantir le droit au logement pour toute la population, mais un nombre élevé de propriétaires!
Construire des PPE sur des terrains publics est déjà un problème. Mais s’il faut construire de la PPE au PAV, alors il faut au moins que ces logements soient vendus le moins cher possible et que les prix restent durablement plus bas que pour les autres PPE. C’est pour cela que la loi actuelle prévoit uniquement des PPE en droit de superficie. L’acheteur n’est pas obligé d’acheter le sol, ce qui réduit de beaucoup le prix de la PPE. La location du sol se fait en principe pour nonante-neuf ans. Elle est en général renouvelée. La protection est donc excellente (qui peut prévoir ce qui se passera en 2123?). Les deux lois des milieux immobiliers obligeraient au contraire la collectivité à vendre une partie des terrains (24%).
Pour les parcelles qui resteraient en droit de superficie, les deux lois obligeraient l’Etat à les louer à bas prix. La loi 12290 fixe une rente annuelle maximale d’un montant ridicule (10 francs le mètre carré!), soit presque trois fois moins que la rente demandée aux fondations et coopératives qui construisent des logements d’utilité publique dans le même périmètre! Cette loi obligerait ensuite l’Etat à racheter ces PPE au prix fort à l’expiration du droit de superficie.
Pour parfaire le tableau, ces deux lois interdiraient à l’Etat de contrôler les loyers et les prix de vente sur ces logements au-delà de dix ans (ce que permet la loi actuelle grâce au droit de superficie). Les futurs propriétaires des logements en PPE seraient ainsi libres de spéculer au détriment des futurs acheteurs. Les premiers acquéreurs achèteraient ces logements à prix de faveur et pourraient les revendre plein pot dix ans après leur construction, empochant un bénéfice de dizaines, voire de centaines de milliers de francs. Et qui seraient ces heureux élus? Les proches des promoteurs, des régisseurs et des propriétaires.
Les auteurs de ces deux lois achèvent de prendre les Genevois pour des imbéciles en intitulant leur loi «Pour de la PPE en droit de superficie dans le PAV qui évite toute spéculation […]»!
Le 3 mars, il faut voter deux fois non aux lois 12290 et 12291.
Christian Dandrès est conseiller national et juriste à l’Asloca. Dans cette chronique, il s’exprime à titre personnel.