Agora

La réforme fiscale du gouvernement Meloni

Le gouvernement Meloni avait promis de mener une réforme profonde du système fiscal italien. La loi votée par le parlement le 30 décembre en donne un premier aperçu. Éclairage.
Italie

Le texte confirme l’élimination du revenu de base (reddito di cittadinanza) sans prévoir de mesures en faveur des personnes en situation de pauvreté. Il propose en revanche de réduire la pression fiscale sur les travailleuses·eurs par la mise en place d’un système qui de fait se dirige vers un taux d’imposition identique pour tous les revenus (une «flat tax»).

Les promesses en matière de soutien aux femmes et aux familles ne sont pas converties, qu’il s’agisse du rétablissement d’un taux de TVA de 22% sur les produits d’hygiène menstruelle ou pour la petite enfance (couches, lait en poudre, nourriture pour bébé), alors que le précédent gouvernement avait prévu un régime spécial à 5% pour ces biens de consommation, ou de l’absence des financements promis pour les crèches. Il manque par ailleurs un programme visant à réduire l’évasion fiscale, alors que les contribuables les plus aisé·es vont connaître de substantiels cadeaux fiscaux, parmi eux la suppression de la taxe sur les voitures de luxe. Pour résumer, la réforme fiscale du gouvernement Meloni est purement conservatrice.

Rappelons que les partis de droite ont présenté aux dernières élections un programme qui avait pour objet principal la réforme fiscale, présentée comme solution à l’augmentation du coût de la vie. La priorité de la Ligue du Nord et de Fratelli d’Italia (le parti de Giorgia Meloni) était la création d’une «flat tax», c’est-à-dire un taux d’imposition identique pour tout·es, peu importe son revenu. En plus du problème que l’introduction d’une telle «flat tax» poserait du point de vue des rentrées fiscales, la Constitution italienne l’interdit, pour le moment.

Évasion fiscale et inflation

Le sentiment d’injustice fiscale ressenti par beaucoup d’Italien·nes doit être compris à la lumière des chiffres sur l’évasion fiscale. D’après les dernières estimations (2020), le «tax gap» (les impôts qui ne sont pas payés) s’élève à presque 70 milliards d’euros par an en Italie. En raison du trou que cette évasion fiscale provoque dans les caisses publiques, les contribuables sont chaque année confronté·es à une augmentation de la pression fiscale, tout en devant subir des réductions du financement des services publics.

Pour limiter la fraude fiscale, le gouvernement précédent avait par exemple largement encouragé les paiements électroniques, en interdisant notamment aux commerces de fixer un seuil minimal pour pouvoir payer par carte. Dès qu’elle a accédé au gouvernement, l’actuelle coalition de droite s’est engagée à abolir ce règlement.

Dans le contexte d’inflation qui touche fortement l’Italie (elle est montée jusqu’à 12%, mais est retombée à la fin de l’année passée), les débats autour de l’impôt sur le revenu concentrent toute l’attention. L’indexation des salaires n’étant pas à l’ordre du jour du gouvernement, celui-ci pense lutter contre l’inflation en éliminant progressivement les différents taux d’imposition par tranche de revenu, c’est-à-dire en mettant petit à petit en place une «flat tax», vieux rêve néolibéral.

Vers une «flat tax»

Aujourd’hui, l’impôt sur le revenu des travailleuses·eurs dépendant·es fonctionne selon un système progressif (comme dans la plupart des pays riches). Le gouvernement précédent avait déjà supprimé l’une des tranches, réduisant leur nombre de cinq à quatre. La nouvelle loi prévoit une nouvelle réduction de quatre à trois tranches. Il est tout à fait préoccupant de constater que ces suppressions et la réduction concomitante de leur caractère progressif visent à se rapprocher d’une forme de taxation unique. Comme celle-ci est anticonstitutionnelle, le gouvernement doit agir indirectement pour chercher à la mettre en place en substance.

Pour qu’une réforme fiscale gagne en lisibilité tout en améliorant la solidarité, il faudrait prendre le chemin inverse, à savoir exonérer d’impôt sur le revenu la première tranche, et créer de nouvelles tranches pour les plus gros revenus, avec des taux d’imposition nettement plus élevés.

A la place, le gouvernement Meloni propose de supprimer les taxes sur les voitures de luxe, une absurdité sociale et climatique. Avec les coupes dans le reddito di cittadinanza, cela signifie que les plus précaires subissent de plein fouet l’élection de Meloni à la tête du gouvernement.

Paru dans Pages de gauche n° 190, hiver 2023-24, pagesdegauche.ch

Opinions Agora Emma Sofia Lunghi Italie

Connexion