Suisse

Des manifestations à géographie variable

Le retour de la guerre au Proche-Orient a des répercussions sur la liberté d’expression en Suisse.
Des manifestations à géographie variable
Berne a prévu de ne plus autoriser les grandes manifestations et cortèges (ici le 28 octobre sur la Place fédérale) dans le centre du 17 novembre au 24 décembre. KEYSTONE
Libertés démocratiques

Le droit de manifester en Suisse diffère si l’on habite à Genève ou à Berne. La menace que font peser plusieurs initiatives de l’UDC devient «un enjeu national», alerte Amnesty International.

Interdictions outre-Sarine

Deux mois après l’éclatement du conflit au Proche-Orient, le droit de manifester n’est plus le même si l’on habite en Suisse romande ou alémanique. D’abord rétives à autoriser des rassemblements à la suite des événements à Gaza, les villes romandes les ont tolérés après quelques atermoiements. Il en va tout autrement outre-Sarine. A Berne, Bâle ou Zurich, des tendances sont à l’œuvre pour freiner leur tenue au prétexte qu’elles empiéteraient sur d’autres événements. En particulier sur les marchés de Noël à Berne.

«La décision d’autoriser ou non une manifestation continue d’être prise au cas par cas. Mais celle de la Ville de Berne, qui a prévu de ne plus autoriser les grandes manifestations et cortèges dans le centre du 17 novembre au 24 décembre, a un effet clairement dissuasif», affirme au Courrier  Léa Schlunegger, secrétaire générale des Juristes démocrates de Suisse (JDS). Dans une prise de position, les JDS soulignent qu’une telle interdiction d’une durée de plus d’un mois est «disproportionnée et illégale». Questionnée pour savoir si cette mesure sera levée dès le 25 décembre, la Ville de Berne n’a pas donné suite à notre requête.

Attaques de l’UDC

Les JDS observent une tendance vers une approche plus répressive aussi des manifestations. «A Zurich, la police locale a confirmé qu’elle examinait la possibilité, prévue par la loi, de faire payer les organisateur-trices pour ses interventions», dit-elle. L’an prochain, les jeunes UDC zurichois mèneront campagne pour une initiative exigeant d’appliquer l’ordre en ville en reportant les frais aux manifestant·es. Idem à Bâle-Ville où une initiative «anti-chaos» lancée en mars par l’UDC cible «les casseurs qui doivent répondre des coûts et dommages».

Les JDS soulignent qu’une interdiction d’une durée de plus d’un mois est «disproportionnée et illégale»

Ces nouveaux freins font bondir Amnesty International qui déplore «des interdictions contraires au droit international». Répondant à un appel que la section suisse a lancé mardi, une trentaine de personnalités, dont l’ex-conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey ou l’ancien président du Comité de l’ONU des droits de l’enfant Jean Zermatten, réclament une protection du droit à s’exprimer dans la rue. Ce que garantit la Constitution fédérale.

Examiner au cas par cas

A la tête d’une campagne d’Amnesty pour défendre le droit de manifester en Suisse, Lisa Salza part, elle, du principe qu’une grande partie des acquis actuels sont dus à des personnes qui ont battu le pavé. Elle précise aussi que l’exercice du droit de réunion ne devrait plus dépendre d’autorisation. Malgré ces embûches, des manifestations pour demander un cessez-le-feu à Gaza ont pu se tenir début décembre à Berne et Bâle.

Mais pour la porte-parole d’Amnesty, Nadja Boehlen, elles n’impliquaient pas de grands cortèges. «Que ces villes aient voulu éviter des débordements lors de grandes manifestations en lien avec le Proche-Orient ou économiser leurs ressources en personnel durant une période chargée en manifestations, ne justifie pas les interdictions générales qu’elles ont prononcées. Si l’ordre et la sécurité publics peuvent être des motifs d’interdiction, pour être légitimes, ceux-ci ne peuvent être invoqués que si une menace concrète est identifiée. Un examen au cas par cas peut être envisagé seulement si aucune autre mesure moins restrictive ne permet de contenir cette menace». Et rien ne dit que des initiatives similaires à celles de Zurich et Bâle ne soient pas déposées demain en Suisse romande. «L’enjeu est national», conclut-elle.

Suisse Alain Meyer Libertés démocratiques

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