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«Protéger les civils au Rojava»

Depuis deux mois, le Rojava, territoire autonome kurde du nord-est syrien, est la cible de bombardements orchestrés par la Turquie, en «riposte» à l’attentat du 1er octobre à Ankara revendiqué par le PKK. «Les structures étatiques du Rojava ont été détruites à 80% par les frappes turques», avance Shilan Turgut, qui en a appelé à la communauté internationale à l’occasion du Forum des minorités de l’ONU, la semaine dernière à Genève.
Kurdistan syrien

Le Rojava est une région au nord de la Syrie qui incarnant un modèle démocratique sans égal. Il repose sur le «confédéralisme démocratique», une idéologie avant-gardiste se positionnant comme l’épicentre de la liberté, tissant une coexistence harmonieuse entre différentes religions et ethnies.

Les Kurdes, Arabes, Assyrien·nes et autres participent à un dialogue orchestré par une coprésidence homme-femme. Les femmes occupent une place centrale dans le confédéralisme démocratique, agissant comme le pilier vivant du progrès. Ensemble, les co-président·es discutent de manière équitable des besoins de chaque communauté.

Ce modèle s’est répandu grâce à sa modernité, basée sur l’inclusivité et un échange mutuel, sans ambitions expansionnistes. Cependant, depuis 2018, la Turquie attaque régulièrement le Rojava, rendant impossible la durabilité de ce modèle démocratique.

Cette année, les structures étatiques ont été détruites à 80% par les frappes turques, rappelant la triste situation à Gaza. Il est crucial de rappeler que le droit international humanitaire interdit les attaques contre les hôpitaux et que les Conventions de Genève proscrivent l’utilisation d’armes chimiques contre les civils.

Nous appelons l’ONU à s’opposer fermement à l’utilisation d’armes contre des civils, que ce soit par un Etat ou une milice. Nous plaidons en faveur d’une présence onusienne sur cinq ans, garantissant neutralité et protection contre les attaques de la Turquie. Nous réclamons également la mise en place d’une «no flight zone» au-dessus du Rojava, afin de protéger la vie des civils innocents pris au milieu de cette crise.

Les Kurdes ont de bonnes raisons de s’inquiéter face à la situation actuelle. Si l’on justifie le bombardement d’écoles de l’ONU [abritant des personnes déplacées dans la bande de Gaza] en se basant sur le massacre du Hamas, cela normalise les bombardements par un prétendu Etat de droit. Ce compromis avec les droits humains pourrait servir d’alibi pour des futurs crimes de guerre, comme les bombes tirées sur des enfants kurdes. En ces temps d’épreuve, gardons à l’esprit que les droits de l’homme ne sont pas un buffet que l’on consomme «à la carte», et que nous devons nous unir pour la sécurité des civils.

Shilan Turgut est porte-parole pour la cause kurde aux Nations unies.

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