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L’héritage inquiétant du Covid-19

Transitions

Rappelez-vous! Le 13 mars 2020, notre vie a basculé dans l’imprévu et nous sommes entré·es en confinement… Un mois plus tard, un collectif d’une cinquantaine de personnalités, rassemblées à l’initiative de Raphaël Mahaim, Luc Recordon et moi-même, s’est lancé dans la rédaction d’un livre à vocation prospective, intitulé Tumulte Postcorona: les crises, en sortir et bifurquer1Anne-Catherine Menétrey-Savary, Raphaël Mahaim, Luc Recordon et al., Tumulte postcorona – Les crises, en sortir et bifurquer, Editions d’En Bas, août 2020. . Tant qu’à être reclus·es, au moins se mettre à son ordinateur et gamberger avec passion sur un «Après» débarrassé de ses prédateurs cupides et polluants et rendu à une société soucieuse de justice sociale et de solidarité. Nous n’étions pas les seul·es: ce fut un sport très prisé par tous les progressistes! Presque quatre ans plus tard, que reste-t-il de nos élans les plus audacieux? Les analyses sociologiques sont cruelles: Non! Le monde n’est pas près de changer. Le seul héritage que nous laisse cette crise pourrait se résumer à un seul élément: l’usage largement répandu du télétravail!

Pourtant, la crise du Covi-19 imprègne encore nos comportements et nos émotions. Son effet n’est pas celui que nous espérions, mais il est puissant: problèmes psychiques graves, particulièrement chez les jeunes; augmentation de la consommation de drogues; désertion des salles de spectacle au profit des divertissements sur Netflix les réseaux sociaux; forte hausse des inégalités sociales et effondrement de la solidarité internationale. En positif, mais plus redoutable encore du point de vue écologique, c’est le redémarrage fulgurant de la navigation aérienne et le déploiement des multinationales et des industries extractives.

Les traces de la pandémie sont aussi visibles sur le plan politique: les grands vents de la crise ont bousculé le pouvoir en place et les élections fédérales d’octobre. Nos concitoyen·nes réfractaires aux mesures sanitaires, les anti-vaccination, les complotistes, tous et toutes adorateurs d’une liberté sublimée et brandie en étendard, se sont porté·es candidat·es, peut-être moins pour être élu·es que pour installer dans notre société un narratif souverainiste, anti-autoritaire, mais en même temps dictatorial et sectaire.

Soyons justes: si le Corona nous avait courtoisement lâché les baskets à la fin 2022 dans un contexte apaisé, peut-être bien qu’une ouverture au changement aurait pu se manifester. Hélas, la succession des crises: climat, énergie, inflation, guerre en Ukraine et maintenant à Gaza, a gâché la fête du renouveau, nous replongeant dans un monde de précarité financière et de directives étatiques. Nos contemporain·es sont assez doué·es pour métaboliser les crises, mais ils et elles le font parfois par une forme d’absentéisme et de repli sur soi. Y compris celles et ceux qui sautent dans des avions aussi souvent que possible, non pas pour renouer fraternellement avec le vaste monde, mais pour déplacer ailleurs leur intimité. Pris d’une lassitude désenchantée et d’un sentiment d’impuissance, ils et elles ont tendance à se réfugier dans le consumérisme. C’est du moins l’analyse des sociologues. Le pouvoir d’achat ainsi que la formule qui semble faire nécessité: «Se préoccuper de la fin du mois plutôt que de la fin du monde» symbolisent l’univers restreint du foyer– remplir le frigo plutôt qu’ouvrir la fenêtre.

C’est tout cela qui pourrait expliquer l’échec électoral des Vert·es et le succès de l’UDC. Des électeur·trices ont sans doute jugé rassurant de se ranger du côté de celles et ceux qui «tiennent la baraque», souverainement, traditionnellement, tout en prétendant se soustraire aux mesures d’urgence imposées par les crises ou le climat. Ils et elles ne veulent plus être dérangé·es.

Surtout pas par des écologistes qui n’ont de cesse d’alerter sur l’enfer climatique qui nous attend et sur les transformations politiques et sociales qui seront nécessaires. Encore un mauvais coup de la pandémie! En 2018 et 2019, les cortèges des grévistes du climat, les manifestations des activistes et les blocages de routes étaient perçus plutôt positivement par l’opinion publique. Les confinements successifs ont partiellement brisé l’élan des militant·es et fortement réduit la tolérance, voire l’adhésion dont ils et elles jouissaient. Les soutenir a fait passer les écologistes pour d’arrogants donneurs de leçons. Que d’occasions manquées! La dimension mondiale aussi bien de la pandémie que du changement climatique aurait pu ouvrir la voie à un mouvement international solidaire et déculpabilisant, qu’il s’agisse de vaccins, de mesures de lutte contre le réchauffement ou même d’accueil de réfugié·es climatiques. Malgré la COP 28 qui se tient actuellement à Dubaï, il n’en est rien. L’officialité y tient son rang, mais la planète est vaste et notre pays tout petit. Alors tant que les gros ne font pas ce qu’ils doivent faire, on ne va rien faire non plus…

Vivement la prochaine pandémie, qu’on remette les compteurs à zéro!

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Anne-Catherine Ménétrey-Savary, ancienne conseillère nationale.

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lundi 8 janvier 2018

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