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«Résister par des actes écocitoyens»

Face à la menace écologique et climatique, Miguel D. Norambuena juge insuffisant le nombre d’initiatives écocitoyennes et estime que les pouvoirs publics devraient davantage stimuler les actions de ce type.
Environnement

Il serait injuste d’évoquer un manque d’informations. Le nombre de textes, de films, de conférences, de recherches et d’informations à propos de la catastrophe climatique – extinctions, destructions, intoxications, incendies, inondations… – croît au niveau planétaire d’une manière exponentielle. La destruction sans contrepartie des forêts contribue par ailleurs en grande partie à l’effondrement climatique annoncé par le climatologue Jean Jouzel aux Nations unies. Tout cela, on le sait.

Pourtant, parallèlement à cette information grandissante, la détérioration continue: la contamination de l’eau que l’on boit, de l’air que l’on respire et de la terre que l’on cultive ne fait que s’intensifier. La ville demeure toujours recouverte de béton, même là où ce n’est pas nécessaire. Des tronçons entiers de trottoirs pourraient être «débétonnés», comme cela a été fait dans d’autres villes européennes. Un réflexe à la hauteur des urgences climatiques, et de santé publique.

Mais si les individus ne peuvent enlever le béton et le goudron eux-mêmes, un mouvement écocitoyen soutenu officiellement par les autorités locales pourrait se développer, fait de multiples et diverses actions – planter des arbustes et des plantes autochtones partout où c’est possible par exemple. Nous sommes nombreux et nombreuses à être effaré·es par le manque d’initiatives des autorités publiques, municipales et communales, visant à inciter la population de nos villes à planter des végétaux et des arbustes, même là où il y a très peu de terre. C’est pourtant ce type d’actions que la population devrait pouvoir réaliser, avec non seulement le consentement, mais même l’appui des pouvoirs publics. L’urgence face à l’effondrement climatique doit briser les comportements bureaucratiques, électoralistes et passéistes. Il est temps de stopper la destruction des biotopes et des écosystèmes.

La question que l’on peut se poser face à l’effondrement climatique en cours est la suivante: comment se fait-il qu’il y ait un si effarant déficit d’initiatives de la part des individus et des pouvoirs publics? La réponse est peut-être dans l’histoire de l’asservissement des subjectivités et des mentalités, qui est aussi longue que l’histoire du progrès, du développement des forces productives et de l’extractivisme. Un extractivisme persistant des ressources naturelles, cognitives, culturelles, comme intellectuelles.

La monoculture, les productions intensives, la célérité des transports et leurs éjections de dioxyde de carbone – sans penser aux bouchons aux heures de pointe – les bruits à hauts décibels, les pesticides, herbicides et insecticides, les produits hygiéniques, les nettoyages chimiques et tant d’autres choses encore… Tout cela fait partie du progrès. Aujourd’hui, on nous vante même la solution d’une autoroute à six voies comme solution aux bouchons. On croit rêver.

Il ne s’agit pas d’être pour ou contre le progrès. Il s’agit de ne plus fermer les yeux et de réagir face à l’ethnocide généralisé que tous ces éléments ont produit et produisent encore, à l’écocide qu’ils engendrent, avec l’extermination devant nos yeux de la flore et des forêts, des insectes, des abeilles pollinisatrices, des oiseaux, d’une façon générale, de la vie non humaine et humaine.

Nous vivons au cœur d’un néolibéralisme extractiviste intensif qui prône à tout vent la dignité des personnes humaines. Or, comme l’écrit la philosophe Cynthia Fleury, nous avons en réalité de plus en plus fréquemment affaire à l’indignité comme nouveau paradigme d’assujettissement. Pouvoir agir concrètement grâce à des initiatives créatives écocitoyennes situées est un réflexe civique de récupération de notre dignité, un vecteur d’émancipation, de désaliénation et d’épanouissement subjectif, individuel comme collectif. Ne plus attendre demain pour agir avec des actes écocitoyens concrets est un acte de résistance éthique à la portée de chaque personne vis-à-vis du déni dans lequel nous vivons face à l’effondrement climatique en cours.

Miguel D. Norambuena est consultant psychosocial indépendant, Genève.

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