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Tensions préélectorales à Antananarivo

Les Malgaches sont appelé·es aux urnes les 16 novembre et 20 décembre pour élire leur président. A l’approche des scrutins, l’écrivaine Michèle Rakotoson témoigne de la détérioration du climat social dans la grande île de l’Océan indien, soumise à une régression économique de longue date.
Madagascar

Ce 6 novembre, la tension est à son comble à Antananarivo. Les bombes lacrymogènes ont de nouveau tonné dans le centre-ville le 4 novembre, causant blessures – dont certaines à la tête, manifestement dues à des tirs dans le dos – morts, exactions, interpellations intrusion des gendarmes jusque dans les ruelles et les cours.

La machine de contestation semblait pourtant bien huilée et un calme relatif régnait. Les marches qui avaient eu lieu depuis le 2 octobre, exigeant la révision de tout le dispositif électoral pour des élections libres et transparentes, ainsi que l’invalidation de la candidature du président sortant, Andry Rajoelina1>Ayant accédé au pouvoir par un coup d’Etat en 2009 et interdit de se présenter en 2013, Andry Rajoelina a été élu en 2018 (ndlr)., se déroulaient presque pacifiquement. Une grande partie de la population suivait le mouvement, dont les syndicats, les étudiant·es, la société civile. Des comités de médiation s’organisaient.

Sous la houlette de Christine Razanamahasoa, présidente de l’Assemblée nationale, un comité des Sages s’est constitué, composé de personnalités comme le professeur Raymond Ranjeva, ancien juge à la Cour pénale internationale à la Haye, Alain Tehindrazanarivelo, enseignant, ancien ministre des Affaires étrangères, Jean Max Rakotomamonjy, ancien président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), Beatrice Attalah, ancienne ministre des Affaires étrangères et membre de la Ceni, Mbitanarivo Andriantsihorisoa, président du Syndicat des juges, Raondry Alain, président de l’Ordre des avocats.

Plusieurs parlementaires issu·es des rangs de l’opposition se sont présenté·es à l’ambassade de France pour y déposer une lettre destinée à l’Union européenne, au Parlement européen et aux parlementaires français·es où ils ne demandent rien moins que le «devoir d’ingérence» des partenaires afin de «prévenir le conflit et le régler en amont». Les chefs traditionnels, sous la direction du roi Ndrenony de Vohipeno, sont eux aussi intervenus.

Mais la paix semble s’éloigner. Des rumeurs parlent de débarquement de trois conteneurs de grenades lacrymogènes et de trafics douteux. On attend des révélations à venir, dont celles de l’ex-directrice du cabinet d’Andry Rajoeline, Romy Voos. Celle-ci est accusée de tentative de corruption à l’encontre de [la société minière britannique] Gemfields, elle est actuellement en détention dans les prisons anglaises.2>E. Albert, Le Monde, 8/09/2023, tinyurl.com/4sa28d7f (ndlr). Elle pourrait impliquer des complicités à haut niveau.

La colère de la population est grande, la situation sociale et économique est catastrophique… D’aucuns parlent de pré-guerre civile et même fantasment sur l’arrivée de Casques bleus. La nomination à la tête de l’Etat du général en retraite Richard Ravalomanana, surnommé «général Bombe», n’augure rien de bon.

Notes[+]

Michèle Rakotoson est lauréate du prix Orange du livre en Afrique 2023.

A lire: S. Randrianja, «Madagascar, une élection présidentielle à haut risque», The Conversation, 5/11/2023, tinyurl.com/vteu3ac6 (ndlr).

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