On nous écrit

Vision caricaturale

Pierre Jeanneret réagit à un article paru le 29 septembre 2023.
Religion

L’article «L’éthique protestante et l’esprit woke» m’a fait bondir. Il présente une vision totalement caricaturale des confessions réformées. Celle-ci est peut-être applicable aux groupes bibliques extrémistes et à certains télévangélistes étasuniens, mais nullement au protestantisme en général. Il faudrait reprendre point par point les affirmations lancées à la légère par l’auteur. Contentons-nous d’un exemple. Les bourgeois hollandais du XVIIe siècle, sur lesquels il ironise lourdement, ont au moins réussi à créer une société alphabétisée, plus prospère, un peu plus égalitaire et en tout cas beaucoup plus tolérante (publication des œuvres de Spinoza) que la France du «roi très chrétien», acharné à pourchasser les huguenots. Alors que la très catholique Espagne s’endormait sur son or et son argent pillés en Amérique du Sud ou tirés du sol par des populations réduites à la servitude, les sociétés protestantes du Nord de l’Europe ont su développer artisanat et industrie, facteurs de progrès. Tout en pratiquant il est vrai le trafic des esclaves noirs, mais que des groupes réformés furent les premiers à dénoncer. Si l’on veut citer Max Weber et son analyse remarquable dans L’Ethique protestante et l’esprit du capitalisme, il faut reprendre le noyau de sa pensée et non une citation isolée et orientée.

C’est peut-être l’occasion de rappeler ce qui caractérise les individus marqués par leur éducation protestante (qu’ils aient conservé ou perdu la foi peu importe), c’est-à-dire un certain nombre de valeurs fondamentales qu’on peut résumer par le libre examen et le libre arbitre, la responsabilité individuelle (y compris sur le plan écologique), la valeur du travail et l’esprit d’entreprise. Tout cela est certes plus difficile à porter que la soumission à une structure ecclésiale autocratique, hiérarchisée et misogyne. Cela dit, le pape François, pour lequel j’ai un profond respect, n’hésite pas à confesser publiquement les erreurs passées et présentes de l’Église, un travers (la confession publique) qui serait spécifiquement protestant… Si Le Courrier veut reprendre des textes du Monde diplomatique, qu’il le fasse avec discernement.

Pierre Jeanneret,
Grandvaux (VD)

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