Édito

Armements: le temps du parler cru

Armements: le temps du parler cru
KEYSTONE / IMAGE D'ILLUSTRATION
Commerce des armes

Le Conseil fédéral devrait pouvoir exporter du matériel de guerre dans des pays qui ne respectent pas les droits humains. C’est en tous les cas l’avis du Conseil des Etats qui a adopté jeudi, par 27 voix contre 11, une motion modifiant la législation dans ce sens. Pour l’heure, ce n’est qu’une intention, le National doit encore donner son avis. Mais le message véhiculé de la sorte est désastreux.

Politiquement, tout d’abord. Il y a deux ans, l’initiative dite correctrice, lancée par une vaste coalition de groupements sensibles aux droits humains et qui précisait les critères proscrivant ce genre de trafics, avait été retirée au profit d’un contre-projet consensuel. Revenir sur cet enjeu et défaire ce qui avait été négocié est une forme de reniement politique de mauvais aloi. Pour ne pas dire une vilenie. On rétorquera que les initiant·es ont péché par naïveté; mais cela n’excuse en rien le cynisme d’une droite de plus en plus radicalisée.

Comme il se doit, la guerre en Ukraine a servi d’excuse pour cette discutable manœuvre. Mais il s’agit d’un prétexte fallacieux. Les modifications proposées ne permettraient pas d’exporter des armes dans un pays en guerre. A moins de jeter la neutralité aux orties, ce qui n’est pas à l’ordre du jour.

La réalité est plus cynique. Il s’agit d’exporter de l’armement vers des dictatures comme l’Arabie saoudite, les autres Etats du Golf ou la Turquie. De bons clients, donc. «Notre industrie d’armement est là pour notre défense, selon le centriste Andrea Gmür-Schönenberger, mais pour survivre elle a besoin de livrer du matériel à l’international.» Cela permet de justifier tout et n’importe quoi. Après le parler vrai, le parler cru?

Le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA) a manifesté jeudi à Berne pour protester contre ces basses manœuvres impulsées par le lobby de l’armement. Il annonce qu’il combattra «par tous les moyens» ce projet de loi si la Chambre basse devait suivre le Sénat. Au vu du peu de poids accordé à la parole donnée, gageons que cela devra passer par un référendum. Sur ce genre de questions, le peuple est moins sensible au poids des lobbies de l’armement que la camarilla des parlementaires bourgeois stipendiés.

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