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«Jamais de réacteur EPR au Bugey!»

Situé à 70 kilomètres de la frontière suisse, le Bugey, en Isère, a été choisi comme site de construction de deux réacteurs nucléaires «EPR2». Quatre autres réacteurs sont prévus à Penly (Seine-Maritime) et Gravelines (Nord). Selon le projet d’EDF – le fournisseur public d’électricité français –, les travaux seraient achevés au début des années 2040. L’association Sortir du nucléaire Suisse romande appelle à des mobilisations transfrontalières.
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Une question nous taraude: comment faire confiance à une technologie deuxième du nom, lorsque la technologie initiale a coûté des dizaines de milliards, mais n’a toujours pas produit un seul kilowattheure sur le territoire français? En effet, les projets EPR en France tout comme à l’étranger, ont été émaillés de gros retards et de dépassements budgétaires.

Cet acharnement industriel illustre parfaitement le bourbier dans lequel se trouvent tous les projets de centrales nucléaires: incertitude sur le calendrier, désintérêt des financeurs privés, non-entrée en matière des assureurs, atteintes à la biodiversité des rivières en période de canicule, débit des rivières affaibli à l’aune du réchauffement climatique, pourtant indispensables au refroidissement des réacteurs.

L’EPR2 est vendu comme une version améliorée. Or, une exigence majeure reste en souffrance: la nécessité de refroidir les centrales nucléaires. En période de canicule et de sécheresse en particulier, ces réacteurs en bord de rivières, s’ils étaient construits, devront être arrêtés lors d’incapacité annoncée de refroidir lesdits réacteurs. Cette vulnérabilité commence à être traitée dans les médias. Pour les réacteurs situés en bord de mer s’ajoute le risque de tsunami, bien réel, puisque l’histoire nous apprend qu’il y en a déjà eu sur les littoraux français.

Cet été, un des réacteurs du Bugey avait déjà dû être arrêté en raison des fortes températures. Cela fait plusieurs années que les canicules forcent EDF à baisser sa production électrique, notamment pour respecter les normes encadrant les rejets thermiques dans les cours d’eau. Notons que la région Auvergne-Rhône-Alpes sera probablement l’une des plus touchées par les hausses de température et les baisses annoncées de débit du Rhône. Le choix du Bugey pour deux EPR2 est donc dénué de toute intelligence industrielle et de toute considération écologique.

Le Bugey est situé à seulement 70 kilomètres de Genève et l’intervention des autorités cantonales contre tout projet d’installation nucléaire dans son voisinage est inscrite dans sa Constitution. Nous avons appelé le gouvernement genevois à affirmer qu’il agira pour empêcher ce projet de se matérialiser. L’avocate Corinne Lepage, ancienne ministre française de l’Environnement et pionnière des interventions juridiques pour la nature, a été mandatée par le canton et la Ville de Genève. L’action en justice sera déclenchée dès la publication de l’autorisation de construire, prévue pour 2025. Nous nous engagerons pour que les outils juridiques choisis soient les plus forts à disposition.

Rappelons aussi que le Bugey est proche des agglomérations de Genève, Lyon et Turin. Nous sommes donc bien loin des localisations de Tchernobyl et de Fukushima, l’une entourée de forêts peu densément peuplées, l’autre bordée d’un océan, qui ont, lors de ces catastrophes, reçu l’essentiel des dépôts de particules radioactives. En comparaison avec Tchernobyl et Fukushima, un accident, impossible à exclure à la centrale du Bugey, générerait, selon le régime des vents, des conséquences exceptionnellement graves en Europe de l’Ouest, Suisse comprise.1>Dans l’hypothèse d’un accident à la centrale du Bugey avec la configuration de vent du sud-ouest, le passage du nuage et la déposition de particules au sol provoqueraient 41 500 décès en Suisse (surtout) et en France. Source: Etude EUNUPRI19 Institut Biosphère, Genève.

Le canton et la Ville de Genève se mobiliseront via Me Corinne Lepage en soutien aux élu·es et aux organisations françaises mobilisées pour obtenir l’abandon de ce projet. Nous nous souvenons que ce sont entre autres les démarches juridiques et les mobilisations citoyennes franco-suisses qui ont obtenu l’abandon, en 1997, du projet de centrale Superphénix à Creys-Malville. Réitérons cette victoire!

Notes[+]

Article à paraître dans le prochain trimestriel romand Sortir du nucléaire. www.stop-bugey.org

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