Chroniques

Combien de canicules avant la révolution?

Un avenir à désirer

Les îles grecques s’embrasent et enfument leur ciel. Les Alpes valaisannes prennent feu et réduisent des hectares de forêts à un tas de braises immaîtrisables. La Chaux-de-Fonds est défigurée par une tempête fulgurante. Cette liste non exhaustive d’événements climatiques extrêmes procure des sentiments contrastés aux activistes écologistes. En effet, s’ils sont l’effrayante prémonition d’une réalité appelée à se généraliser au cours de prochaines décennies, ils sont aussi la confirmation du bien-fondé des alertes lancées par la communauté scientifique et les mouvements climat.
Le futur se rapproche de plus en plus et la catastrophe se situe de moins en moins dans un ailleurs lointain – géographique ou temporel. S’il est évident que les ravages enregistrés au Pakistan1>Six mois après les inondations record – un tiers du pays recouvert –
de l’été 2022, ayant fait au moins 1700 morts, plus de 10 millions de Pakistanais·es restaient privé·es d’eau potable (Unicef, mars 2023), ndlr.
en 2022 dépassent de beaucoup ce qu’on a pu vivre ici, la radicalisation et la multiplication des épisodes caniculaires ou des intempéries ne laissent pas de doutes sur la dynamique en cours, y compris en Suisse.

Ces événements menaçants appellent avec clarté à une réponse collective et résolue. Chaque année, on est amené à penser que, cette fois, on ne peut plus nier la nécessité d’une politique écologique forte, que ça y est, ça va changer. Bien que l’on soit déçu·e de manière récurrente de la lenteur du changement des politiques et des mentalités, ces événements ont assurément un effet sur la société.

Et pour cause, si l’on scrute les raisons qui poussent à s’engager dans une mobilisation écologiste, il est évident qu’en sous-main de réelles évolutions s’opèrent. Une des premières raisons de s’impliquer est d’être touché·e soi-même par les ravages environnementaux. Les populations autochtones «au front», qui voient leur espace de vie détruit par des projets de mines et par la déforestation, n’ont par exemple d’autre choix que celui d’entrer en lutte.

Dans les cas où les responsables arborent un logo – Glencore, Nestlé, Total –, il est aisé d’identifier ceux contre qui se battre. Toutefois, les liens causaux sont bien souvent nettement moins faciles à cerner. Qui est responsable des inondations au Pakistan, en Italie ou en Chine? Il existe souvent une distance énorme entre le lieu – en bonne partie aléatoire et imprévisible – où la catastrophe a lieu et la source de la destruction – les industries carbonées qui tournent pour permettre le niveau de consommation du Nord.

L’exorbitant privilège de nos trains de vie et la responsabilité des multinationales intéressées par une croissance sans fin deviennent chaque jour davantage une évidence savamment ignorée. Mais, après avoir vécu un ou plusieurs événements extrêmes, le luxe de l’indifférence a bien des motifs de s’évaporer et la motivation pour l’écologie des raisons de s’activer et croître.

Toutes les courbes exponentielles des dégâts montrent que la part des populations matériellement touchées va aller en s’accroissant. Si tout le monde n’est pas égal face au dérèglement climatique – la travailleuse au salaire modeste et le banquier fortuné n’ont pas les mêmes ressources pour faire face à un événement catastrophique –, de plus en plus de personnes sont potentiellement exposées à une inondation, une tempête ou une canicule. Cela devrait convaincre de la nécessité d’une bifurcation rapide vers un autre modèle de société.
Le constat de l’inéluctabilité des catastrophes et de l’ampleur de leurs effets – qu’il soit lié à un vécu personnel ou à des connaissances théoriques dans le domaine – est aussi un facteur déterminant pour un engagement écologiste. A ce titre, les scientifiques qui y sont confronté·es quotidiennement comptent parmi nos allié·es les plus déterminé·es.

Le monde s’ébranle et il y a fort à parier que les personnes percevant ce bouleversement seront de plus en plus amenées à agir pour éviter le pire – un «pire» que certain·es sont déjà en train de vivre. Si ce «pire à éviter» occupe souvent tout notre esprit, il est aussi vrai que l’espoir d’un monde meilleur est une force mobilisatrice. Notre engagement tient à ce que l’écologie n’est pas un déchirant renoncement à un mode de vie consumériste, mais constitue plutôt une raison de plus de se séparer d’un système économique aveugle au bien commun. L’écologie réclame certes un frein d’urgence pour éviter le pire. Mais elle porte aussi en elle une proposition pour une autre vie – meilleure, plus égalitaire, plus démocratique –, que nous nous efforçons de mettre en avant au fil de nos chroniques.

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mardi 19 avril 2022

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