Édito

Dangereuse stratégie droitière

Dangereuse stratégie droitière
L'initiative "200 francs ça suffit" a été déposée ce jeudi 10 août à Berne. KEYSTONE
SSR

Le peuple votera une nouvelle fois sur le service public audiovisuel. L’Union démocratique du centre et la jeune garde libérale radicale ont déposé hier leur initiative visant à faire passer la redevance payée par la population de 335 francs à 200 francs par an. Et, en passant, à exonérer les entreprises de cette taxe. La menace de voir ce texte passer est réelle.

Premièrement, parce que l’attaque est moins frontale que lors de la précédente initiative dite No Billag, qui avait été refusée en 2018 par près de 72% des votant·es. Mais les risques en termes de baisse des prestations et de cohésion nationale sont les mêmes. Les régions périphériques, la culture et les services annexes comme Swissinfo seront les premiers concernés.

En second lieu car depuis No Billag, on ne peut pas dire que la SSR ait tiré les leçons de ce coup de semonce. Le déménagement de l’info à Lausanne – véritable coup de poignard dans le dos de Genève – a mis les autorités et le monde politique du bout du lac sur les pattes de derrière. Elles avaient milité pour le service public en matière d’information; elles vont être davantage sur la retenue.

On ne parle même pas des problèmes de gouvernance, napée de népotisme et de harcèlement au sein de la Tour de la RTS, qui ont été gérées avec une légèreté certaine par la direction de l’époque. Promouvoir le directeur de la RTS, Gilles Marchand, à la tête de la SSR, est pour le moins un signal d’une certaine inconséquence. Enfin, la crise du secteur des médias va pousser les grands groupes de presse à rogner les ailes du concurrent affouragé par l’argent public.

Le populisme inhérent à cette initiative s’inscrit dans une tendance lourde, celle de la montée en puissance de l’extrême droite. Pas seulement en Suisse. Il suffit de voir ce qui se passe en France, avec les pratiques prédatrices des oligarques hexagonaux. L’exemple de Canal plus, de CNews ou, pour le cas le plus récent, du Journal du Dimanche – tombé dans l’escarcelle d’un Vincent Bolloré qui s’empresse de porter à sa tête un journaliste d’extrême droite – sont des signaux qu’il faut prendre au sérieux.

C’est bien d’une guerre culturelle qu’il est question, où la droite extrême marque des points plus souvent qu’à son tour. La conquête des esprits est en route. En France, avec le jeu trouble de la macronie perméable à ces écoles de pensée autoritaires. Mais en Suisse aussi: les élections fédérales voient des digues sauter. La droite traditionnelle s’allie avec son ennemi d’hier pour préserver ses prébendes politiques et économiques.
C’est à l’aune de cette dérive et des risques inhérents de la montée des forces antidémocratiques qu’il faudra juger du traitement de cette initiative dangereuse.

Opinions Édito Philippe Bach SSR Médias Redevance

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