Quand la raison cède au pognon
Une loi croupion a été votée par le Parlement européen ce mercredi. Par 336 voix contre 300, la Loi sur la restauration de la nature a certes été sauvée. Mais à quel prix? Pour éviter un refus pur et simple – qui a, lui, été évité à treize voix près! –, le texte a été grandement vidé de son contenu.
Toute une série de mesures sont passées à l’as.
Par exemple, l’extension des zones dites de haute diversité ou encore l’objectif de la restauration d’au moins 20% des zones terrestres et maritimes de l’Union européenne d’ici à 2030 et de tous les écosystème dégradés le nécessitant à l’horizon 2050.
Ceci via un mécanisme particulièrement roublard, en déléguant aux Etats le soin de prendre des mesures, ce qui équivaut à un enterrement de première classe, selon les associations de défense de l’environnement.
On peut parler de reniement, car de tels objectifs ont pourtant été votés en décembre dernier à la COP 15 sur la biodiversité. Notamment celui visant à protéger 30% des terres et des mers du globe d’ici à 2030. Actuellement ce taux n’est que de 17%. Voir le Parlement européen user et abuser de mesures dilatoires pour ne pas respecter ces objectifs est particulièrement révélateur.
Les lobbies des géants de l’agroalimentaire sont passés par là. Et dès que des intérêts économiques sont en cause, la raison cède la place au pognon. Politiquement, le saccage de ce corpus législatif a été opéré par une alliance entre droite et extrême droite.
En Allemagne, une nouvelle et énième formation de la droite de la droite vient d’ailleurs d’émerger pour combattre ce qui est qualifié de surcroît de réglementation.
En France, Emmanuel Macron, qui ne recule visiblement devant aucune vilénie, a lui aussi plaidé pour une «pause dans les normes environnementales», avant de prétendre qu’il a été mal compris.
Le trumpisme ou le bolsonarisme ont leur pendant sur le Vieux-Continent.
Le processus n’est pas clos. Des négociations entre la Commission, le Conseil et le Parlement européen vont être menées ces prochains mois. Mais le rapport de force est pour le moins dégradé. Cela n’incite pas à l’optimisme, alors que l’urgence est là.
L’effondrement de la biodiversité est une réalité. Il existe un négationnisme climatique; les entraves mises aux tentatives de préserver le vivant – dont nous faisons partie – sont furieusement similaires. Et leurs conséquences tout aussi mortifères en termes de temps perdu.