Solidarité

Des parcs pour notre bonne conscience

Biodiversité

Il ne fait pas bon être indigène et s’aventurer dans un parc national. Dans la réserve de tigres de Kaziranga, en Inde, les gardes-faune ont pour ordre de tirer à vue sur tout intrus. Au Cameroun, à Lobeke, Boumba Bek et Nki, les passages à tabac des Baka sont monnaie courante. Moins radical, dans le parc de Manú, au Pérou, des checkpoints contrôlent tous les déplacements des Matsigenka. Partout dans le monde, au nom de la protection de la nature, des centaines de milliers de communautés indigènes et tribales sont expulsées d’aires protégées qui recouvrent 14% de la surface de la Terre.

Pour la grande majorité des organisations de protection de la nature, un bon parc national est un parc national vide de présence humaine. Ou alors seulement peuplé d’autochtones armés d’arcs et de flèches, qui auront ainsi un impact minimal sur la faune. Surtout pas de fusils pour chasser et se nourrir; il ne faudrait pas que leurs communautés s’agrandissent ou développent des échanges économiques. Cela pourrait menacer la biodiversité. Tant pis si leurs enfants ont faim.

Ces organisations savent pourtant très bien que si, aujourd’hui, 80% des zones les plus riches en biodiversité se trouvent sur des terres longtemps occupées par des communautés indigènes, cela n’est pas dû au hasard. Mais par méfiance ou condescendance, elles mènent le plus souvent leurs études scientifiques sans accorder de crédit aux connaissances et pratiques traditionnelles des premiers habitants. Les touristes, venus pour admirer les derniers tigres ou les éléphants, sont traités avec plus d’égards.

Cette approche unilatérale de la gestion des aires protégées fait le jeu des Etats, qui trouvent avec les organisations de préservation de l’environnement des alliées pour freiner toute velléité autochtone à revendiquer des droits sur ces terres. Et puis, les gouvernements profitent aussi de la bonne conscience que procurent ces zones mises sous cloche, pour entreprendre à leur périphérie une exploitation effrénée des ressources naturelles, que ce soit par l’exploration du sous-sol, la monoculture intensive ou la construction de barrages hydro-électriques. Avec des conséquences bien plus néfastes pour la biodiversité, y compris au cœur des aires les plus protégées, que ne pourraient jamais provoquer des communautés indigènes qui revendiquent simplement de pouvoir déterminer leur propre existence, y compris leur développement.

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