On nous écrit

Le PLQ Acacias 1, encore – réponse aux critiques

Karel Bosco, historien et écologiste indépendant, répond à son tour à Antonio Hodgers. Le magistrat vert genevois réagissait dans notre édition du 23 juin («Parler de décroissance sans analyse est trop facile») à une agora de M. Bosco («L’incohérence des Verts genevois»), parue le 16 juin.
Votation

Suite à ma lettre de lecteur du 16 juin («L’incohérence des Verts»), Antonio Hodgers nous fait la leçon, au Comité référendaire et à moi («Parler de décroissance sans analyse est trop facile», écrit-il). Aux yeux de notre Conseiller d’État, nous sommes 1) des  néomalthusiens , 2) des irresponsables peu soucieux de celles et ceux qui cherchent désespérément à se loger, 3) des conservateurs à l’abri du besoin, doublés d’égoïstes accrochés exclusivement à leur pré carré local. 

Surprenant et paradoxal: c’est, mots pour mots, ce que reprochaient au Parti écologiste nouveau venu en 1983 les partis bourgeois de Genève… Comment expliquer dès lors que le Parti socialiste ait accepté rapidement de faire alliance – alliance maintenue – avec d’aussi pitoyables citoyens?…

Non, l’exigence de justice et de solidarité n’a pas été négligée par une écologie, la nôtre, qui s’est voulue résolument démocratique et sociale, aux antipodes de l’écologie dite profonde (deep ecology), qui rejetait toute référence à l’humanisme, présenté de façon caricaturale et condamné sans appel.

Analysons avec plus de détails, chiffres à l’appui, quelques-unes des critiques qui nous sont adressées.

– Les référendaires dénoncent la densification massive. Non, ce n’est pas un prétexte démagogique et pervers pour priver de logement les requérants d’appartements; c’est une manière de rappeler que le milieu de vie et la qualité de celle-ci comptent aussi, et que le rapport à la nature ou à ce qui en reste contribue à notre bonne santé et à notre équilibre nerveux et mental – et il ne s’agit pas que de «végétalisation». L’Office fédéral de l’environnement précise que les espaces verts publics – parcs et forêts par exemple – sont les lieux majeurs de compensation en terme d’écologie climatique dans le cadre urbain. Nous demandions donc à propos d’Acacias 1 des espaces et des équipements publics plus généreux – un vaste préau planté d’arbres pour l’école, un parc de 10 000 m².

– De manière plus générale, le Collectif des habitants a toujours défendu la construction de logements à prix abordable, mais assorti d’une meilleure répartition de ceux-ci (équité territoriale). Ces dix dernières années, alors que la ville de Genève représente 46% du parc cantonal de logements sur un territoire très réduit, elle accueille la plus forte proportion de nouvelles constructions! Il est donc nécessaire de «desserrer» la ville en achevant les projets tels que les Grands Esserts, les Communaux d’Ambilly ou les Cherpines.

– A propos de la crise du logement. Dans le cadre de la loi votée en 2007, il est prévu que 20% des logements d’utilité publique (LUP) seront destinés aux personnes ou couples à revenus modestes. Ce taux stagne à 11% depuis près de dix ans, et 7000 dossiers, inscrits aux LUP, sont en attente. Alors que l’on ne cesse de construire (Tivoli-Surville, Vernier, Chêne-Bourg entre autres). Tout cela en sachant que l’Etat délègue au privé la construction de logements, même s’il existe aussi des fondations communales ou de droit public.

Mais évidemment, c’est nous, les membres du Collectif des habitants, les opposants à l’enlaidissement de la ville, les protecteurs de la nature, les écologistes hors-parti et les militants de la gauche radicale, c’est nous, les référendaires, qui «n’entendons pas la détresse humaine» de nos concitoyens en quête d’appartement… Merci pour les quelque cinq mille signataires du référendum, auxquels on peut ajouter les nombreux abstentionnistes martelant rageusement à nos stands que «nos autorités font ce qu’elles veulent de toute façon» et que notre démarche est «inutile»…

– La «répulsion» des référendaires pour les tours dans le projet Praille-Acacias-Vernet… Dire qu’«elles permettent de préserver un maximum de pleine terre autour» est inexact, dans la mesure où, sur la maquette exposée chez Sicli, des immeubles leur sont à toutes accolés – ce qu’on appelle des «îlots fermés» où l’air circule mal. Par ailleurs, on se félicite que le PLQ Acacias 1 ne comporte que 5% de bureaux, mais on omet de comptabiliser les emplois tertiaires maintenus, ainsi dans le bâtiment Arty. De plus, on compte des milliers d’emplois tertiaires, dans les périmètres voisins du secteur de l’Etoile, de la banque Pictet ou de Pointe-Nord (pour ces deux derniers, le ratio est de 6 emplois pour 1 logement).

Deux remarques pour terminer et une suggestion.

Pour ma part, je n’ai pas utilisé une seule fois le terme de décroissance. Sur la base du rapport Meadows actualisé, j’ai préféré parler des «limites à la croissance», ce qui pêche peut-être par optimisme, mais rend indispensable le dialogue – plus urgent que jamais – entre la population et les autorités sur ces limites et les régulations qu’elles impliquent, alors que la décroissance tend à s’imposer brutalement à tous à l’égal d’une fatalité. Et le Covid ne nous en pas rendus conscients, à l’évidence.

Les référendaires peuvent s’étonner de l’attitude louvoyante des dirigeants verts vis-à-vis de la gauche radicale, dont on accepte la présence aux côtés de Verts, de PLR et de socialistes quand elle se montre favorable au PLQ Bourgogne, mais qu’on fustige quand elle s’oppose au PLQ Acacias. Quant à l’UDC, avec laquelle il est de très mauvaise guerre de nous confondre, elle n’était pas présente dans le Comité référendaire et, déjà précisé, elle nous a donné dix signatures en tout et pour tout, hors délais. Au demeurant, peut-on empêcher une formation politique de prendre position?

Je ne reviendrai pas sur le rapport déséquilibré entre Genève et la France voisine, dont on sait les tensions qu’il génère, mais j’invite notre Conseil d’Etat dans son ensemble à lire et méditer les articles du Dauphiné libéré sur le sujet, par exemple celui du 29 novembre 2022, «Emploi: comment la Suisse vampirise la France». Ou, plus récemment, l’article publié dans le GHI du 15 juin dernier, où l’on apprend que le projet franco-genevois d’un Institut de formation des professionnels de santé se fera… sans le concours de Genève. Le «Grand Genève» se porte mal.

De toutes ces questions – et de tant d’autres concernant notre ville, notre canton et leur avenir –, il nous fallait débattre en profondeur et, une fois au moins, publiquement à l’occasion de la votation Acacias 1. Antonio Hodgers, Frédérique Perler, Robert Cramer, vous l’avez refusé. Alors qu’un responsable de l’Asloca – favorable pourtant au PLQ Acacias – a signé notre référendum «pour qu’un débat ait lieu». Comprenne qui pourra.

Karel Bosco, Genève

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