Édito

Se passer de BP

Se passer de BP
Ces dernières années, les activistes ont fréquemment manifesté au British Museum pour demander le départ du sponsor BP (ici en 2020). KEYSTONE
Activisme

«BP, on the move», disait le slogan. Aujourd’hui, davantage qu’«en mouvement», BP est sur le départ: on apprenait début juin que le géant britannique des hydrocarbures ne sponsorisera plus le British Museum, titan culturel qu’il soutenait depuis vingt-sept ans. Aucune information n’a pour l’heure filtré sur les raisons de la non-reconduction du contrat, sans aucun doute influencée par la forte pression exercée par plusieurs collectifs militants. Des groupements comme Culture Unstained, Drop BP ou Liberate Tate, désormais rejoints par XR ou Greenpeace.

Souvent issus de l’art, les ­activistes ont milité, manifesté et performé dans différents musées, bien avant soupe et colle, afin que les institutions cessent d’associer leurs noms au pétrole (Le Courrier du 25 mai 2022). Depuis la rupture de contrat séminale de la Tate avec BP en 2016, la liste des divorces est longue: les National Portrait Gallery, Royal Shakespeare Company, Scottish Ballet, Royal Opera House ou South­bank Center ont tous coupé les pipelines avec BP ou Shell. Seul le Science Museum maintient ses liens, également avec Equinor ou Adani, sans doute par pur esprit de contradiction. Mais la pression ne cesse de monter, aussi à l’interne, contrecarrée par des provocations comme celle de faire de Shell le sponsor principal d’une exposition sur l’effet de serre.

«Tout argent est sale, alors autant qu’il serve à la bonne cause», entend-on parfois. Dans un musée visité par des millions de personnes, le problème ne se limite toutefois pas à l’origine des fonds, qu’ils puent le brut, la poudre ou le travail forcé. Accepter un partenariat tel que celui conclu avec BP – ou, en Suisse, avec des banques investissant massivement dans l’extraction –, c’est permettre à des entreprises problématiques d’accrocher leur logo à l’entrée  des institutions et sur leurs affiches, pour se faire de la publicité sur le dos de la culture. Souvent dans des musées faisant grand cas de leurs efforts pour atteindre la neutralité carbone, alors que ces multinationales accélèrent le réchauffement climatique. Tout ça pour des sommes dérisoires: moins de 0,5% du budget du British Museum, dans le cas de BP.

Bien sûr, d’autres parrains sont eux aussi problématiques, qu’ils fabriquent de la fast-fashion éthiquement et écologiquement indéfendable, des automobiles polluantes ou des cigarettes cancérigènes. Mais se débarrasser des pires ne signifie pas dédouaner les autres; c’est simplement leur signifier que les règles du sponsoring ne sont pas gravées dans le marbre: elles sont «on the move».

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