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Que serait une BNS écologique?

Un avenir à désirer

Le 28 avril dernier, les actionnaires de la Banque nationale suisse (BNS) se rassemblaient à Berne pour son assemblée générale. Face à ce bal bien réglé, les invité·es ont pu constater la présence d’un rassemblement d’activistes et d’un imposant morceau de pipeline symbolisant les investissements de la BNS chez TotalEnergies. En effet, l’entreprise française a lancé le mégaprojet East African Crude Oil Pipeline (EACOP) en Ouganda et en Tanzanie, qui – en plus d’être exactement l’inverse d’une transition énergétique – voue à la disparition des espaces gigantesques de faune, de flore et d’habitats humains.

Cette manifestation fut l’occasion de rappeler au moins deux faits fondamentaux: 1) les industries pétrolières iront jusqu’au bout des derniers puits qu’elles trouveront si personne ne les en empêche; 2) la BNS ne fait preuve d’aucun engagement écologique.

Pour répondre à cette inaction du banquier central, nos mouvements réitèrent depuis longtemps les mêmes constats. D’abord, l’absence de transparence de ses investissements est un scandale, tant elle exclut tout débat à leurs propos. Ensuite, la sacro-sainte indépendance de la BNS, couplée à son mandat de stabilité des prix et de la finance, conduit à son aveuglement environnemental et éthique. Pourtant, assurer des prix stables sur une Terre de plus en plus dérégulée apparaîtra bientôt impossible. A trop se désintéresser des enjeux environnementaux, ceux-ci risquent de revenir par la petite porte en déstabilisant toute l’économie, marchés financiers et prix compris. Finalement, si la BNS elle-même maintient ses investissements écocidaires, il est clair que les banques commerciales n’ont aucune raison de ne pas lui emboîter le pas. Elle doit donc être pionnière dans le désinvestissement des énergies fossiles.

Ces quelques principes sont des réquisits minimaux que la Grève du Climat partage évidemment. Mais en plus de ces réformes nécessaires, demandons-nous ce qu’une BNS sérieusement engagée dans une bifurcation écologique pourrait faire. Car une banque centrale occupe une place spéciale dans l’édifice bancaire, qui lui-même est le carrefour de l’activité économique. Dès lors, son action peut avoir des influences en cascade d’une grande magnitude. La BNS aiguillonne déjà en partie – grâce à sa politique des taux directeurs – les banques qui, à leur tour, répercutent ces taux sur leurs prêts.

Voilà la combine: une BNS réellement écologique pourrait fixer des taux directeurs variables selon des critères écologiques et sociaux. Ainsi, on augmenterait les taux pour les investissements dans des activités jugées néfastes (celles de TotalEnergies, au hasard). Comme prix à payer pour investir dans un domaine indésirable, les banques se verraient obligées de rendre plus à la BNS. A l’inverse, un investissement dans les transports publics ou une épicerie de proximité deviendrait plus attrayant pour la banque, et donc pour les personnes cherchant à réaliser de tels projets.

Cette proposition d’apparence anodine est une pièce primordiale pour une transformation de notre système économique. Un tel fléchage des investissements – qui se doit d’être défini avec la participation de la population – permettrait à la société d’avoir une réelle prise sur ce que l’on produit (ou pas). Le jeu de ricochet depuis les taux directeurs jusqu’à l’activité sur le terrain ferait que les entreprises climaticides seraient résolument poussées à la reconversion ou à la disparition, condition incontournable si l’on veut espérer une transition écologique planifiée plutôt que subie.

Il suffit de se représenter les protestations énergiques des secteurs trop carbonés pour se faire une idée de la rupture que constituerait un tel aiguillage de l’économie selon des critères politiques et démocratiques en lieu et place de la main invisible d’un marché décidément aveugle. Induisant l’essor des entreprises vert(ueuse)s et le déclin des industries brunes, l’orientation des investissements constituerait l’introduction d’une chaîne d’actions nécessaires pour engager une transition juste et maîtrisée. Par exemple, la transformation concomitante de la structure de l’emploi devrait être secondée par des mesures d’aide à la reconversion professionnelle pour ne laisser personne sur le carreau. Aussi, la mise en difficulté de banques trop empêtrées dans des investissements fossiles demanderait leur mise au pas et, pourquoi pas, leur socialisation afin de construire un nouveau modèle de finance.

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mardi 19 avril 2022

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