«Non à une droite qui bande les muscles au sujet de l’école»
L’hebdomadaire en ligne Watson s’est fait l’écho de la volonté de l’alliance de droite pour le Conseil d’Etat de «partir à la reconquête» du Département de l’instruction publique (DIP).1>Menuisier, «La droite genevoise à la reconquête de l’école:‘On va tout reprendre en main’», www.watson.ch/, 14 avril 2023. Pourquoi un tel vocabulaire guerrier? Depuis qu’un accord a été conclu entre sa composante bourgeoise et sa composante nationale xénophobe, la nouvelle alliance de droite se sent pousser des ailes. Cela étant, il ne faut pas oublier que la droite réclame la reprise du dicastère mammouth de l’enseignement – le plus gros en termes d’effectifs, et probablement le plus compliqué à gérer en termes de ressources humaines – au moins depuis le retrait de la Conseillère d’Etat libérale Martine Brunschwig-Graf en 2005. Mais, cette fois-ci, l’heure de l’école qu’elle appelle de ses vœux est arrivée!
A quoi rassemblera-t-elle au juste? A entendre la droite, tout sauf à celle d’aujourd’hui. Elle accuse en effet notre école actuelle de presque tous les maux: d’abord parce qu’elle nuit à la santé morale des élèves en prônant des valeurs progressistes; ensuite parce qu’elle se montre incapable d’insérer correctement les élèves sur le marché du travail. Incarnation d’une vision passéiste et rétrograde des enjeux de formation, la candidate PLR Anne Hiltpold n’y va pas par le dos de la cuiller. Trop d’efforts sont réalisés actuellement, selon elle, en faveur des élèves en difficulté. Si elle prenait la tête du DIP, le projet d’école inclusive porté par les magistrat·es socialistes successif·ves serait tout simplement mis illico au rebut. Fidèle à sa vision techniciste et économiciste néolibérale, l’école de Mme Hitpold ne serait qu’une usine abrutissante servant à domestiquer et préparer une main-d’œuvre déprimée. Elle serait tout le contraire d’une école dispensant des savoirs permettant de s’épanouir dans la vie, tout sauf une école ambitionnant de former des citoyen·nes pour développer la créativité, l’ouverture, la capacité de réflexion et l’esprit critique dont nous avons besoin.
Ce discours de droite qui bande les muscles au sujet de l’école est inaudible. Car la droite a été la première à refuser les augmentations de postes au DIP pendant toute la durée de la législature. Une grande partie des problèmes qu’elle dénonce en période électorale sont l’effet de sa propre action. Sans cesse en train de réclamer des «mesures structurelles», de pérorer sur les concepts «d’Etat agile» et «d’administration décloisonnée», la droite s’est attaquée avec constance depuis 2018 aux équipes pluridisciplinaires composées d’éducatrices, d’infirmier·ères scolaires, de logopédistes, pourtant essentielles à la prise en charge de tous les enfants! Elle feint d’ignorer l’importance des spécificités genevoises: une proportion importante de population étrangère et en situation de précarité, des communes urbaines et suburbaines qui présentent des défis en matière d’insertion particulièrement épineux, la très grande concentration des emplois dans le secteur du tertiaire et la forte concurrence sur le marché de l’apprentissage dans le canton.
En dépit de ces circonstances défavorables, il faut relever que le taux de certification, une des clés du processus d’insertion socioprofessionnelle des élèves, a nettement augmenté depuis l’instauration de la formation obligatoire jusqu’à 18 ans. Le Conseil d’Etat à majorité de gauche n’a pas lésiné non plus sur les enjeux de formation préscolaire et de formation continue à vie. La nouvelle magistrate ou le nouveau magistrat en charge de la formation aura affaire aux mêmes enseignant·es et au même peuple du DIP – qui n’hésiteront heureusement pas à contester les décisions de la nouvelle autorité! Cependant, les électeurs et les électrices progressistes et humanistes, de gauche comme du centre, doivent s’en rappeler au moment de choisir leurs candidat·es au Conseil d’Etat. La vision de l’école que nous propose la droite est une spectaculaire et dangereuse régression.
Notes